«Surprise ce matin: un dividende de Google! nous écrit un lecteur. Je ne savais pas qu'il avait commencé à donner des dividendes.»

Des détenteurs d'actions étiquetées «C» du géant californien ont de fait reçu ces derniers jours un étonnant paiement de la part d'une entreprise plutôt avare de son capital. Malheureusement pour notre ami, une fois n'est pas coutume. Bien que les choses pourraient changer...

Il s'agit en fait d'une part de la pénalité de 522 millions US payée par Google, en raison du déséquilibre constaté sur le marché boursier entre ses actions avec droit de vote de catégorie A et les nouvelles, les «C», dénuées de droit de vote, distribuées à l'occasion d'un fractionnement original il y a un an.

L'arrangement financier, qui devait permettre aux cofondateurs Larry Page et Sergey Brin de conserver leur mainmise sur l'entreprise tout en créant une monnaie d'échange pour financer les acquisitions du groupe, présumait en effet qu'il ne saurait y avoir de différence significative entre les deux catégories, puisqu'ils avaient déjà la majorité avec leurs actions exclusives «B» comportant 10 droits de vote chacune.

Des actionnaires outrés ont néanmoins condamné la manoeuvre, qualifiée de «mauvaise gouvernance». Mis au défi, les administrateurs établirent que les détenteurs des nouvelles actions seraient indemnisés si un écart de plus de 1% survenait la première année de leur émission d'actions.

Page et Brin, qui ont démarré leur entreprise dans un garage loué en 1998, sont peut-être des génies de l'informatique, mais leur connaissance en finance laisse à désirer. Les actions à droit de vote multiple reçoivent généralement une prime de 2 à 3 points de pourcentage. Au Canada en tout cas, où c'est plus coutumier. Les actions A (10 droits de vote) et B (un seul droit) de Bombardier, par exemple, ont un écart de 3%, alors que personne ne voudrait être à la place de la famille fondatrice ces temps-ci.

Google s'est trompée, ce qui lui vaut la pénalité convenue de 0,275%, soit environ 1,50$US par action, sous forme de dividende extraordinaire aux porteurs inscrits aux livres le 2 avril 2015. L'écart entre les deux catégories d'actions a varié entre un et deux points de pourcentage tout au long de l'année. La moyenne est de 1,6% depuis le 1er avril 2014, suivant nos calculs, ce qui prouve bien que le marché accorde une valeur au droit de vote.

Ce n'est pas vraiment un problème pour la deuxième capitalisation boursière du monde. La ponction aurait été nettement plus substantielle si un écart de plus de 5% était apparu. En ce cas improbable, Google aurait dû payer 22$US par action, soit 7,5 milliards US.

L'espoir est permis

Google a pour politique de ne pas distribuer de dividende et de conserver son trésor de guerre. Elle se considère comme une entreprise en croissance qui a besoin de tout son capital pour financer son développement interne et ses acquisitions.

Des observateurs avisés n'excluent cependant pas que le géant du web, dont le titre stagne en Bourse depuis le début de l'année, puisse ouvrir ses goussets et choyer ses actionnaires. Le chef des finances Patrick Pichette s'est notamment engagé en janvier à valoriser les actions de l'entreprise, ce qui est interprété comme un appui au versement d'un dividende.

D'autres entreprises technologiques n'hésitent plus. Apple - non sans s'être fait tirer l'oreille - retourne maintenant 11 milliards US par trimestre à ses actionnaires, Microsoft, 9,5 milliards et IBM, 4,3 milliards. Selon Eric Ervin, de Reality Shares, Google - avec 64 milliards US en poche - a plus d'argent que nécessaire et il ne lui coûterait que 5,5 milliards par an pour égaler le rendement de 1,5% offert par l'entreprise à la pomme.