Très ébranlé lors de la crise financière de 2008, et fortement critiqué ensuite, le secteur des produits dérivés dans les marchés financiers mondiaux a dû s'astreindre à un resserrement réglementaire considérable de la part des principales autorités financières.

Mais plusieurs années plus tard, les principaux intervenants du marché des produits dérivés déplorent que ce resserrement réglementaire se bute maintenant aux «bagarres de compétence» entre les principales autorités financières du monde, nommément américaines, européennes et japonaises.

Congrès à Montréal

«L'application de cette nouvelle réglementation demeure très disparate selon les principales autorités. Et cette disparité contribue de plus en plus à fragmenter le marché et la liquidité dans de nombreux produits dérivés, ce qui en augmente les coûts de transactions et nuit à leur accessibilité aux utilisateurs de produits dérivés dans leur gestion de risque financier», a indiqué Scott O'Malia, chef de la direction de l'Association internationale des swaps et dérivés, ou ISDA, dont près de 800 membres venus des principaux centres financiers du monde étaient en congrès à Montréal cette semaine.

La tenue de ce congrès dans la métropole québécoise s'explique par les activités de la Bourse de Montréal comme marché canadien des produits dérivés. Il s'agit aussi d'un domaine prioritaire de développement pour le secteur financier à Montréal. Parmi les conférenciers au congrès de l'ISDA, le premier vice-président et chef des placements à la Caisse de dépôt et placement, Roland Lescure, a pour sa part exprimé sa «préoccupation en tant qu'investisseur» envers les problèmes d'harmonisation réglementaire qui persistent entre les grandes autorités, au point de nuire à l'achèvement des réformes déclenchées par la grave crise financière de 2008.

«Le resserrement réglementaire des produits dérivés est allé dans le bon sens, d'autant plus que ce marché qui fonctionnait alors de façon obscure s'est révélé d'une ampleur telle avec la crise financière qu'il était devenu un risque systémique pour l'ensemble des marchés financiers», a rappelé M. Lescure en entretien avec La Presse.

«Cela dit, après des années de réforme réglementaire, je demeure inquiet du faible nombre d'intervenants et de régulateurs des produits dérivés qui en ont une véritable vision globale, au-delà de leurs préoccupations nationales, a-t-il poursuivi. Pour des investisseurs globaux comme nous, à la Caisse de dépôt, nous n'avons pas envie d'avoir à régler une même transaction de produits dérivés à deux ou trois reprises, selon les juridictions impliquées. C'est désormais un enjeu de reconnaissance mutuelle entre les autorités réglementaires des principaux marchés boursiers.»

Reconnaissance mutuelle

Le besoin d'une meilleure «reconnaissance mutuelle» entre régulateurs des transactions de produits dérivés a d'ailleurs été le sujet d'une vive discussion.

Entre autres, une suggestion européenne d'une «reconnaissance automatique» entre les autorités des pays du G20 pour faciliter l'harmonisation des règles de transactions de produits dérivés a vite été repoussée par Timothy Massad, président de l'influente Commodity Futures Trading Commission des États-Unis. «Est-ce que je dois vous rappeler que nous sommes encore dans un monde où ce sont les pays qui font les lois applicables chez eux? Et comme régulateur aux États-Unis, je dois appliquer les lois américaines sur les transactions de produits financiers aux États-Unis.»