Les investisseurs activistes prennent une place proéminente dans le monde de l'entreprise et de la finance aux États-Unis comme l'illustrent les récentes initiatives prises par certains d'entre eux et visant des grands noms de l'économie américaine.

À tel point que la hausse du cours des actions qui résulte de leurs attaques contre les conseils d'administration devient le moyen pour des tierces parties de faire de juteux investissements.

Meeschaert Financial Services s'apprête ainsi à investir dans les entreprises ciblées par les activistes dès qu'il aura reçu les autorisations réglementaires nécessaires.

«Quand ces gens investissent, c'est parce qu'ils ont déjà effectué une analyse approfondie de l'entreprise et vont la pousser à améliorer sa performance. On veut en profiter», explique à l'AFP Gregori Volokhine, gérant de portefeuilles chez Meeschaert.

Sous la pression de ces investisseurs, l'entreprise cible «devient proactive et prend en main le contrôle de son avenir. Elle ne dépend plus seulement de la conjoncture et des hauts et bas des marchés», plaide le gestionnaire de portefeuille.

Aucune entreprise immunisée 

Du fringant et élégant William (Bill) Ackman à Daniel Loeb en passant par Nelson Peltz, qui vient de lancer un nouvel assaut contre le géant chimiste américain DuPont, les activistes sont présents dans au moins 200 grandes entreprises américaines tous secteurs confondus.

Et ce n'est pas la taille qui leur fait peur: Apple (Carl Icahn), Coca-Cola (Wintergreen Advisers), PepsiCo, DuPont et Bank of New York Mellon (Nelson Peltz), Yahoo! (Starboard Value), McDonald's (Ackman) en témoignent.

«Aucune entreprise ne peut se dire à l'abri d'un activiste», prévient le célèbre avocat Martin Lipton, qui a souvent défendu les directions contre les raids financiers et OPA hostiles. «Aucune entreprise n'est assez grosse, ni assez populaire, ni assez rentable pour leur échapper», ajoute-t-il sur un blogue de la prestigieuse Université d'Harvard.

Les activistes disposent d'une force de frappe financière conséquente: les fonds qu'ils gèrent ont bondi à 91 milliards de dollars d'actifs, contre 59 milliards de dollars fin 2012, selon le cabinet eVestment. Les fonds de pension sont leurs principaux clients.

Loups ou chevaliers? 

Si à chaque incursion les marchés applaudissent - les titres des sociétés visées grimpent à Wall Street - la communauté financière reste divisée: sont-ils des loups ou des chevaliers?

«Les activistes ne s'intéressent qu'à l'immédiateté comme pousser l'entreprise à une scission, la vente ou la séparation d'actifs, ce qui fait monter le titre en Bourse. Ainsi, ils peuvent vendre leurs actions et engranger un bénéfice laissant l'entreprise se débrouiller avec les risques causés par cette stratégie», dénonce M. Lipton.

Pour le célèbre avocat, les activistes détruisent les entreprises en les poussant à s'endetter afin de rémunérer leurs actionnaires via de gros dividendes et des rachats d'actions.

La tactique des activistes est simple: une fois qu'ils ont acquis une participation dans une entreprise, ils dénoncent les «erreurs stratégiques» de la direction, plaident pour un recentrage sur l'activité la plus lucrative, ce qui passe par des économies et souvent des suppressions d'emplois, des rapprochements avec des rivaux ou encore des cessions d'actifs dans le but de dégager davantage de valeur pour les actionnaires.

S'engage dans la plupart des cas un conflit dont le point d'orgue est censé être l'assemblée générale des actionnaires où l'activiste promet de renverser la direction via une guerre des résolutions. Acculée, la direction, dont sont aussi dénoncés les avantages en nature, finit par céder.

«Les interventions des activistes sont souvent suivies par une amélioration de la performance de leur cible durant les cinq années qui suivent», font valoir des chercheurs des prestigieuses universités de Harvard (Lucian Bebchuk), Duke (Alon Brav) et Columbia (Wei Jiang) dans une étude commune intitulée The Long-Term Effects of Hedge Fund Activism.

«Les législateurs et les investisseurs institutionnels ne devraient plus prendre pour argent comptant les affirmations que les interventions des activistes sont coûteuses pour les entreprises et les actionnaires à long terme», estiment-ils après avoir examiné 2000 entreprises ciblées par les activistes entre 1994 et 2007.

À la différence de la génération des investisseurs spéculateurs comme George Soros, le plus souvent passifs, la nouvelle garde des activistes fait rarement des paris.

Elle veut influencer la stratégie de l'entreprise et, pour ce faire, demande des sièges au sein du conseil d'administration ou installe un patron de son choix aux commandes.

Elle bataille ainsi pour le renforcement des droits des actionnaires via l'allègement des règles sur l'éviction de membres des conseils d'administration.

Et les activistes viennent aussi rappeler que les entreprises ont des comptes à rendre à leurs actionnaires.