Cette année encore, La Presse reprend sa consultation trimestrielle avec quatre experts en répartition d'actifs. Leur portefeuille fictif a été calibré à 100 000$ à nouveau le 1er janvier. L'exercice consiste à formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré, avant les frais de gestion.

Le dernier trimestre de 2014 a été marqué par un très fort rendement des actions américaines converti en dollars canadiens et par une performance appréciable des obligations.

Dans l'ensemble, 2014 aura été un très bon cru. Selon la part de leurs avoirs placés en revenus fixes dictée par leur portefeuille de référence respectif, nos quatre experts ont réalisé une performance supérieure au rendement médian des caisses de retraite, selon plusieurs échantillons.

Pour 2015, deux d'entre eux modifient substantiellement leur pondération. À l'opposé, un autre reconduit la sienne telle quelle.

Locomotive américaine

Tout semble indiquer que l'économie américaine connaîtra une très forte croissance en 2015. Le rythme de son expansion n'a pas cessé de s'accélérer depuis le froid polaire de l'hiver 2014, dont on ne prévoit pas la répétition cette année.

Les finances publiques fédérales et municipales ont été assainies, tout comme le bilan des ménages. Le rythme de création d'emplois est robuste et soutenu, tandis que la chute des prix du pétrole a un effet tonique et immédiat sur la consommation plus grand encore qu'une baisse des taux d'intérêt.

Est-ce que le rendement des actions américaines, qui a atteint 13,7% en 2014 (et même 24%, si on l'exprime en dollars canadiens), peut être aussi solide cette année?

«Le S&P 500 est dans une classe à part, souligne Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Parmi les 44 indices nationaux du MSCI World, il figure dans le top 5 depuis plusieurs trimestres.»

À hauteur de 30%, sa pondération en actions américaines est même légèrement supérieure à son portefeuille de référence. Il justifie sa mise par le fait que l'économie américaine sort grande gagnante de la chute du prix du pétrole, qui survient durant une période d'expansion cette fois-ci, à la différence de 2009.

Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Desjardins Marchés des capitaux, mise gros sur le marché américain en y plaçant 35% de ses billes et en ne gardant que 25% en espèces ou en obligations, alors que sa norme est plus près de 40%. «L'âge moyen du stock de machines est de 16 ans, souligne-t-il. On entre dans un cycle de renouvellement. Les entreprises vont investir en machines et matériel.»

François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital, se réjouit de l'accélération de la croissance américaine, qu'on attendait depuis 2010. «Une baisse de 40$ du prix du baril de pétrole fait augmenter le PIB américain d'un point de pourcentage. On le voit à 3,75% cette année, bien au-dessus du consensus.»

À hauteur de 20%, sa pondération en actions américaines reste élevée selon son portefeuille de référence, où 45% des billes sont censées être en encaisse ou en revenus fixes.

M. Bourdon souligne que ça fait maintenant trois ans que le secteur privé américain va bien. Le prix des maisons à la hausse remplit les coffres des municipalités, qui peuvent à nouveau dépenser.

Potentiel d'appréciation

Dans cette belle harmonie, Stéfane Marion, stratège et économiste en chef à la Banque Nationale, apporte une note discordante. Il réduit même sa mise en actions américaines, qui était déjà la plus faible des quatre. «Les États-Unis ont donné un excellent rendement en 2014. Je n'ai cependant peut-être plus le même potentiel d'appréciation apportée par le dollar canadien. Une bonne partie du rendement américain est dû à la devise.»

Il croit en revanche beaucoup plus que ses pairs au potentiel de la Bourse canadienne, qui a tout de même donné un rendement de 10,6% l'an dernier malgré un mauvais dernier trimestre.

Dans le jeu de poule mouillée que se livrent les grands producteurs de pétrole, le Canada est mieux placé que d'autres pour résister. Le financement des sables bitumineux est mieux assuré que celui du pétrole de schiste du Dakota-du-Nord, qui repose sur les obligations de pacotille dont les taux sont à la hausse. Le Canada est bien plus stable que le Venezuela, la Libye ou le Nigeria, et il est un acteur important dans la stratégie d'autosuffisance nord-américaine. Et puis, on ne prévoit pas de chute de la demande. «Je persiste à croire qu'il y aura des interruptions d'offre. Je vois le prix du baril à 70$ plus tard cette année, et à 80$ en 2016.»

Retour du balancier

M. Bourdon partage en partie cet optimisme, mais pas à cause du pétrole. «L'Ontario et le Québec vont profiter de la croissance américaine. C'est un retour du balancier.»

M. Delisle voit plutôt l'impact négatif sur les provinces productrices. «L'immobilier va fléchir, les banques qui ont prêté aux ménages et aux sociétés pétrolières risquent aussi de souffrir.»

Cela n'est pas synonyme de récession, mais de ralentissement. Un peu comme cela est arrivé en Australie avec la chute des prix du fer.

M. Delisle souligne une difficulté particulière de la conjoncture actuelle: le départage des actifs canadiens et américains dans un contexte où les taux obligataires devraient grimper plus vite aux États-Unis qu'au Canada. Voilà pourquoi il augmente de dix points sa mise en obligations et diminue de cinq points sa part en actions, au détriment des titres autres que nord-américains.

M. Doucet croit plutôt que le Japon et l'Europe pourraient surprendre. «C'est la première fois en 10 ans que je dis que le Japon n'est pas à éviter. On est neutres. Les bonnes choses ont été faites avec l'annulation de l'augmentation de la taxe de vente. En Europe, la banque centrale va acheter de la dette souveraine sur le marché secondaire et chercher à stimuler la consommation.»

Quant aux marchés émergents, il recommande de fuir les producteurs de ressources afin de privilégier ceux qui, comme l'Inde, la Corée du Sud ou la Turquie, produisent des biens manufacturés.

----------------

[FRANÇOIS BOURDON vice-président, Fiera Capital | VINCENT DELISLE stratège, Scotia Capitaux | MICHEL DOUCET vice-président Desjardins | STÉFANE MARION stratège B. Nationale]

Avoir au 1er janvier 2014 : 100 000$ | 100 000$ | 100 000$ | 100 000 $

Rendement au premier trimestre : 4,2% | 4,3% | 4,3% | 4,2%

Avoir au 31 mars : 104 160 | 104 332 | 104 252 | 104 206

Rendement au deuxième trimestre : 2,9% | 2,6% | 1,8% | 3,3%

Avoir au 30 juin : 107 181 | 107 054 | 106 175 | 107 642

Rendement au troisième trimestre : 1,5% | 1,5% | 1,7% | 0,9%

Avoir au 30 septembre : 108 808 | 108 656 | 108 006 | 108 664

Rendement au quatrième trimestre : 2,0% | 2,8% | 2,9% | 1,7%

Rendement en 2014 : 10,9% | 11,7% | 11,2% | 10,6%

Avoir au 31 décembre : 110 933 | 111 745 | 111 169 | 110 565



RÉPARTITION AU 1er OCTOBRE (EN %)



Encaisse : 15 | 10 | 20 | 5

Obligations (Dex Capital) : 20 | 20 | 10 | 35

Actions canadiennes (S&P/TSX) : 25 | 20 | 12 | 30

Actions américaines (S&P 500) : 20 | 30 | 33 | 15

Actions EAEO : 20 | 15 | 15 | 7

Marchés émergents (MSCI EM) : 0 | 5 | 10 | 8

Pourcentge en actions : 65 | 70 | 70 | 60



RÉPARTITION AU 1er JANVIER (EN %)



Encaisse : 15 | 5 | 15 | 5

Obligations (Dex capital) : 20 | 30 | 10 | 35

Actions canadiennes (S&P/TSX) : 25 | 20 | 12 | 33

Actions américaines (S&P 500) : 20 | 30 | 35 | 12

Actions EAEO : 20 | 8 | 20 | 7

Marchés énergents (MSCI EM) : 0 | 7 | 8 | 8

Pourcentage en actions : 65 | 65 | 75 | 60



RENDEMENT DES INDICES (EN %) POUR LE 4e TRIMESTRE 2014



Encaisse : 0,2 | 0,9

Obligations (DEX Capital) : 2,7 | 8,8

Actions canadiennes (S&P/TSX) : -1,5 | 10,6

Actions américaines (S&P 500) : 8,8 | 24

Actions EAEO (MSCI EAEO) : -0,1 | 3,7

Marchés émergents (MSCI EM) : -1 | 7