Dans une récente lettre financière reprise en partie dans le Financial Times, le milliardaire américain Seth Klarman, auteur d'un livre à succès sur les placements axés sur la valeur, disait des titres à la mode, dont Netflix et Tesla Motors, qu'ils avaient des évaluations «à faire saigner du nez». Eh bien, l'hémorragie n'a pas tardé, plongeant dans le rouge le NASDAQ et les autres grandes Bourses nord-américaines.

L'indice du marché électronique NASDAQ, où se concentrent les grandes valeurs à la mode, a cassé vendredi une «tendance en ligne» bien marquée depuis la fin de 2012, sortant par le bas d'un étroit canal, fortement pentu, qui n'avait pas encore vu de consolidation. Il s'en est encore plus écarté, hier, alors que les valeurs-vedettes sous pression comme Amazon, Yahoo! et Tesla ont largué encore 1% de leur valeur en moyenne.

Un niveau insoutenable

Selon plusieurs observateurs avisés, les cours des valeurs technos et particulièrement les étoiles du web avaient atteint un niveau insoutenable. Il faut dire que les prix consentis aux dernières entrées en Bourse donnent froid dans le dos. Ainsi, le site internet de location et de réservation de logements de particuliers Airbnb, qui prépare une émission d'actions de 10 milliards US, vaut plus cher que la chaîne d'hôtellerie Hyatt (8 milliards US), sans avoir un seul hôtel. Aussi inquiétant, la plupart des sociétés introduites en Bourse ces derniers mois sont très loin d'être rentables.

La recrudescence des premiers appels publics à l'épargne (PAPE) et l'appétit croissant des investisseurs pour le risque rappellent les années 90 à Philippe Le Blanc. Le président de la firme de gestion de portefeuille COTE 100, de Saint-Bruno, note que les titres de petite capitalisation sont nettement plus chers que les grandes valeurs industrielles. C'est ainsi que, entre autres excès apparents, la capitalisation boursière de Facebook (145 milliards US) place la société de réseautage en ligne bien au-dessus de valeurs comme Intel (130 milliards US), McDonald's (97 milliards US) ou même General Motors (55 milliards US).

Nouvelle bulle

Certains tremblent maintenant à la perspective de l'éclatement d'une nouvelle bulle internet. Après son record du 10 mars 2000 qui marquait la fin de la spéculation enthousiaste autour des valeurs boursières liées à l'internet et aux nouvelles technologies, l'indice NASDAQ avait chuté de 27% durant les deux premières semaines d'avril. Il n'a jamais retrouvé son sommet historique de 5048 points.

La sous-performance manifeste du NASDAQ depuis trois semaines est aussi mauvais signe pour les marchés en général. L'indice technologique de Wall Street surpasse normalement les autres indices et sert d'indicateur avancé pour les autres marchés d'actions. La chute de 2000 s'était de même répercutée sur tous les marchés liés ou pas à la «nouvelle économie».

Keith McCullough, président de la firme de recherche Hedgeye Risk Management du Connecticut, estime que l'évaluation boursière de certains titres de médias sociaux est «épeurante». Contributeur régulier des chaînes de télévision financière américaine, il prévoit depuis le début de l'année l'éclatement de la «bulle techno». Il a émis la semaine dernière une recommandation de vente sur Apple, en plus de déconseiller Twitter et YELP depuis longtemps.

D'autres s'accrochent à tout le moins à certaines valeurs technologiques dites de qualité. Les analystes de Cantor Fitzgerald demeurent en outre généralement positifs pour l'industrie du web et plus particulièrement à Facebook et Google, jugés de «meilleure qualité».

Les observateurs s'attendent généralement à voir beaucoup de volatilité sur les titres technologiques à court terme, mais les plus optimistes comme l'équipe de Cantor Fitzgerald prévoient que les investisseurs tenaces seront récompensés par une croissance supérieure des affaires et des marges bénéficiaires quand les conditions économiques s'amélioreront.

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Des entreprises en baisse

TESLA

Le constructeur américain de voitures sportives électriques Tesla Motors a perdu près de 8% de sa valeur boursière, ces deux dernières séances. Les actions de Tesla valent tout de même 15 fois plus qu'à leur entrée à la Bourse du NASDAQ, en 2010, ce qui en fait l'introduction boursière la plus spectaculaire depuis 2006.

FACEBOOK

Après avoir plus que doublé de valeur en sa deuxième année en Bourse, l'ami Facebook contribue à l'inflation des valeurs du web. Forte d'une valeur boursière de 150 milliards US, l'entreprise de Mark Zuckerberg déboursera près de 19 milliards US pour mettre la main sur WhatsApp. Le marché ne semble pas apprécier la transaction.

NETFLIX

Offrant auparavant des DVD par correspondance aux États-Unis, Netflix a attiré 40 millions d'abonnés à son service en ligne dans 52 pays. L'entreprise a moins de succès à la Bourse ces derniers temps. Le titre s'est stabilisé hier après avoir perdu près de 5% vendredi. Son recul depuis le début de l'année atteint 8%.

AMAZON

Amazon prend de plus en plus de place sur le net et devient un vrai concurrent pour Google, notamment dans le domaine de l'infonuagique. Son cours boursier va en sens contraire du développement des affaires. Avec le recul de près de 2%, hier, la chute depuis le début de l'année dépasse 20%.

GOOGLE

Après avoir réalisé une performance extraordinaire en 2013 avec un bond de 58%, Google a abandonné 8% de sa valeur en mars et continue de se découvrir en avril. Le fractionnement tant attendu du titre en GOOG et GOOGL ne lui a pas profité alors que des actionnaires de longue date profitent du dividende extraordinaire en action pour prendre leur profit.