Comme au début de chaque trimestre, La Presse reprend sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. En ce début de printemps 2014, nous leur demandons de revenir sur les faits saillants de l'hiver, mais surtout d'indiquer leurs attentes pour le nouveau trimestre. Ils ajustent au besoin la répartition de leur portefeuille fictif, calibré à 100 000$ le 1er janvier. L'exercice consiste à formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré.

L'hiver aura été marqué par beaucoup de surprises, à commencer par le froid polaire qui a fait douter des Cassandre environnementalistes.

Les tensions politiques ont repris de plus belle avec l'annexion de la Crimée par la Russie, les manifestations populaires en Turquie et au Venezuela et la tentation totalitaire du général Abdel Fattah Khalil al-Sissi en Égypte.

Enfin, Janet Yellen a marqué son arrivée aux commandes de la Réserve fédérale en signalant que le taux directeur pourrait remonter pour la première fois depuis décembre 2008, environ six mois après la fin de la troisième ronde de détente quantitative, escomptée à l'automne.

Situation rarement vue

Curieusement, tout cela a produit du rendement dans tous les grands véhicules de placement. Malgré des stratégies fort différentes, nos quatre experts ont fait progresser leur mise à des rythmes à peu près égaux, une situation rarement vue au sein d'un même trimestre depuis le début de cet exercice, il y a quatre ans.

«La force des obligations a été une très grande surprise, admet François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital. Nous nous étions attendus à ce que les taux d'intérêt soient plus hauts.»

En fait, ils ont monté quelque peu dans les échéances les plus courtes, surtout après la remarque-surprise de Mme Yellen. «C'est pour cette raison que les obligations ont assez bien fait, mais pas tant que ça, nuance Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. La courbe de rendements entre les échéances courtes et longues s'est aplatie, surtout pour les obligations américaines.»

Il reste à voir jusqu'à quel point une petite phrase, même prononcée par la numéro un de la Fed, peut changer le cours des choses. «Mme Yellen date de l'ère d'Alan Greenspan, rappelle Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille, chez Desjardins Marchés des capitaux. Je ne vois pas l'intérêt à nous préparer si longtemps d'avance avec une phrase qu'elle a peut-être échappée.»

Échappée ou pas, Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale, réduit quelque peu sa mise en obligations. «C'est un contexte de transition, explique-t-il. La vitesse du redressement des taux dépendra des indicateurs, mais la volatilité sera plus grande puisque la Fed n'a plus de cible quantitative.»

Avant Mme Yellen, la Fed indiquait qu'une modification de son taux directeur ne serait pas envisagée avant que le chômage ne descende à au moins 6,5%, sans que les tendances inflationnistes ne dépassent 2,5%, deux conditions toujours non remplies.

Pour le présent trimestre, M. Delisle reconduit sa répartition telle quelle, M. Bourdon diminue de cinq points de pourcentage son encaisse au bénéfice des actions canadiennes tandis que MM. Doucet et Marion réduisent légèrement leur mise en obligations au profit de l'encaisse.

M. Doucet reste le plus sceptique sur le potentiel du marché boursier canadien, en progression depuis l'été. «Le TSX fait bien à cause de l'or, mais, en général, les actions sont chères.»

Ses collègues ne partagent pas cette lecture. «Le TSX a finalement découplé des indices des pays émergents, note M. Delisle. De plus, la baisse du dollar canadien va gonfler les profits des producteurs de ressources qui vendent en dollars américains.»

«M. Poloz [Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada] fait son possible pour affaiblir la devise, renchérit M. Bourdon. Le Canada va profiter de la croissance des États-Unis et du Mexique.»

Et d'ajouter M. Marion: «La Chine veut porter son taux d'urbanisation de 51 à 60% d'ici 2020. Ça fait 100 millions de personnes à déplacer et des infrastructures à construire.»

Cela devrait soutenir la demande et les prix des ressources.

Marchés émergents

Nos experts sont très prudents sur les perspectives des marchés émergents. En ce qui concerne l'Europe et l'Extrême-Orient, une grande inconnue demeure la réaction populaire à l'entrée d'une taxe de vente au Japon. M. Doucet insiste que sa forte pondération est avant tout un pari sur l'Europe.

Dernière remarque, venant de M. Delisle: par le passé, le deuxième trimestre s'est souvent révélé difficile pour les gestionnaires. Nous sommes prévenus.

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LE RENDEMENT DE NOS EXPERTS

[F. Bourdon | V. Delisle | M. Doucet | S. Marion]

Avoir au 1er janvier : 100 000 $ | 100 000 $ | 100 000 $ | 100 000 $

Rendement au premier trimestre : 4,2 % | 4,3 % | 4,3 % | 4,2 %

Avoir au 31 mars : 104 160 $ | 104 332 $ | 104 252 $ | 104 206 $

RÉPARTITION (EN%) AU 1ER JANVIER 2014

Encaisse : 15 | 10 | 10 | 5

Obligations : 25 | 20 | 20 | 38

Actions canadiennes : 30 | 23 | 10 | 32

Actions américaines : 20 | 24 | 30 | 11

Actions EAEO : 10 | 15 | 25 | 7

Actions marchés émergents : 0 | 8 | 5 | 7

Pourcentage en actions : 60 | 70 | 70 | 57

RÉPARTITION (EN %) AU 31 MARS 2014

Encaisse : 10 | 10 | 20 | 5

Obligations (DEX Capital) : 25 | 20 | 10 | 35

Actions canadiennes (S&P/TSX) : 30 | 23 | 15 | 33

Actions américaines (S&P 500) : 25 | 24 | 30 | 12

Actions mondiales (EAEO) : 10 | 15 | 25 | 7

Marchés émergents (MSCI EM) : 0 | 8 | 0 | 8

Pourcentage en actions : 65 | 70 | 70 | 60

RENDEMENT TRIMESTRIEL DES INDICES

Encaisse : 0,2%

Obligations (DEX Capital) : 2,8%

Actions canadiennes (S&P/TSX) : 6,1%

Actions américaines (S&P 500) : 5,8%

Actions EAEO (MSCI EAEO) : 4,7%

Marchés émergents (MSCI EM) : 3,5%