L'éditeur du populaire jeu vidéo Candy Crush vaut-il vraiment 7 milliards de dollars? C'est en tout cas le prix auquel il s'évalue pour sa prochaine entrée en Bourse à New York.

Le groupe britannique King Digital Entertainment a levé davantage le voile mercredi sur ce projet rendu public le mois dernier. Selon un document boursier, il introduira 22,2 millions de titres sur le New York Stock Exchange (NYSE), sous le symbole «KING» et au prix unitaire de 21 à 24 dollars.

L'opération, dont la date et les modalités définitives restent à déterminer, permettrait ainsi de lever entre 466 et 533 millions de dollars, et même jusqu'à 613 millions de dollars en cas de forte demande et d'exercice d'une option de surallocation.

Mieux que Zynga, moins qu'Electronic Arts 

Le prix envisagé donne à King une valorisation totale entre 6,6 et 7,6 milliards de dollars.

C'est plus que les 5 milliards affichés à Wall Street par son concurrent américain Zynga, en perte de vitesse après avoir été un pionnier des jeux en ligne sur Facebook.

King s'approche même d'un poids lourd du jeu vidéo comme Electronic Arts (SimCity), valorisé un peu plus de 9 milliards de dollars en Bourse. Activision Blizzard (Call of Duty) reste toutefois un cran au-dessus, à 14,5 milliards.

«C'est très ambitieux et risqué», indique à l'AFP Rob Enderle, un analyste spécialisé dans le secteur technologique, pour qui King aura du mal à maintenir une telle valorisation sur la durée. «Les sociétés de jeux n'ont de la valeur que tant que leurs jeux sont populaires. Les gens tendent à se lasser (...) et il y une tonne de concurrence sur le segment des jeux "faciles"», destinés à un public plus large que les jeux sophistiqués pour joueurs purs et durs.

Ces jeux plus simples d'accès, nés dans les années 1980 avec des titres phares comme Pac-Man ou Tetris, ont connu un nouvel élan avec l'essor des réseaux sociaux et surtout des téléphones intelligents.

King illustre bien cette tendance: créé en 2002, il a surtout vu sa croissance exploser ces deux dernières années grâce aux jeux sur mobile.

Leur téléchargement est gratuit, mais les joueurs payent ensuite pour des accessoires virtuels ou pour passer à une nouvelle phase de jeu quand ils sont bloqués. Une stratégie apparemment fructueuse: le chiffre d'affaires de King a bondi de 164 millions de dollars en 2012 à 1,88 milliard en 2013, et son bénéfice net de 7,8 à 567,6 millions de dollars.

Le risque d'un seul «hit» 

Le revers de la médaille, c'est que les performances de King reposent essentiellement sur un seul titre, Candy Crush, dont de nombreux passagers des métros du monde entier tentent frénétiquement d'aligner les bonbons multicolores sur leur téléphone intelligent.

Candy Crush représente 73% des recettes brutes de King au quatrième trimestre, et 97 des 144 millions de joueurs quotidiens revendiqués par l'éditeur. Ses deux jeux suivants, Farm Heroes et Pet Rescue, n'affichent respectivement que 20 et 15 millions d'utilisateurs.

Cela rappelle le cas de Zynga, qui avait suscité l'enthousiasme à son entrée en Bourse en 2011 mais était fondamentalement «une entreprise avec un seul hit, FarmVille», souligne Trip Chowdhry, analyste chez Global Equities Research. Quand le succès de FarmVille est retombé, les bénéfices et le cours de l'action ont suivi.

«Combien de fois pouvez-vous regarder votre film favori: une fois, deux fois, trois fois ? Et la quatrième vous commencerez peut-être à vous ennuyer. C'est pareil pour les jeux, spécialement les jeux faciles comme Angry Birds, FarmVille, ou Candy Crush», qui ont «un effet viral» mais pour lesquels «l'excitation retombe très vite», avertit l'analyste.

King en est conscient: il cite son petit nombre de jeux parmi ses facteurs de risques et dit vouloir développer son catalogue. «Pour justifier une valorisation de 7 milliards de dollars, King va devoir continuer à acheter des jeux» populaires et devenir «comme un studio de cinéma produisant des hits tout le temps», prévient Trip Chowdhry.