Sans grande surprise, le comité bancaire du Sénat américain a majoritairement approuvé hier le choix de Janet Yellen pour succéder à Ben S. Bernanke, à compter de mars.

Première femme à occuper le fauteuil de la présidence de la Réserve fédérale américaine (Fed), Mme Yellen aura à négocier le délicat sevrage des marchés financiers, au moment où les indices boursiers paraissent de plus en plus dopés.

La grande difficulté à laquelle fait face la Fed, c'est qu'il n'existe pas de méthadone monétaire qu'on pourrait substituer à une planche à billets qui tourne à raison de 85 milliards par mois dont s'abreuvent investisseurs et spéculateurs depuis plus d'un an.

Au printemps, la simple évocation d'un ralentissement de cadence à compter de l'automne a propulsé les taux des obligations à long terme de Washington d'environ 100 points de pourcentage à la mi-juillet, à la surprise des autorités monétaires américaines.

Comme des camés en manque, les marchés menaçaient l'efficacité de la politique monétaire conçue pour relancer l'emploi et asseoir la croissance sur de meilleures assises.

C'est pour les faire reculer que la Fed a reporté le ralentissement progressif de ses achats d'obligations et de titres adossés à des actifs hypothécaires. Avec l'assurance d'un rallongement de la période de dopage, ils se sont calmés quelque peu.

Mercredi, la publication du compte rendu de la réunion des 29 et 30 octobre des dirigeants de la Fed a montré jusqu'à quel point ils sont divisés sur la marche à suivre.

La seule certitude, c'est qu'il faudra bien mettre fin à cette détente monétaire avant longtemps. Déjà, la Fed affiche un avoir de près de 4000 milliards à son bilan qui gonfle mois après mois.

Mais comment faire et quand procéder?

Pour certains, il faudra attendre des indicateurs économiques plus convaincants. Ceux publiés hier, par exemple, ne l'étaient pas trop: le taux d'inflation global a reculé à 1% seulement, bien que le taux d'inflation de base ait avancé de deux dixièmes; le nombre de demandes initiales d'assurance-chômage a diminué plus que prévu la semaine dernière, mais celui de la semaine précédente a été rehaussé; les transactions immobilières sur le marché de la revente ont ralenti le mois dernier; enfin, l'indice Philly Fed manufacturier de novembre indique que le niveau de confiance s'est détérioré dans le secteur.

Pour quelques-uns, le ralentissement des achats devrait se concentrer sur les obligations du Trésor afin de ne pas compromettre la reprise encore mal assurée du marché de l'habitation.

Pour d'autres, il faut préciser que l'atteinte d'une cible de chômage de 6,5% ne sera pas forcément l'élément déclencheur d'un resserrement monétaire.

Pour quelques autres enfin, il faudra attendre les résultats de la prochaine foire d'empoigne au Congrès autour du relèvement du plafond de la dette.

Malgré tous ces bémols, bien des spéculateurs parient sur un ralentissement prochain sur la foi que les conditions économiques se rapprochent quand même des objectifs de la Fed, tels qu'ils les perçoivent.

C'est ce qui explique pourquoi les taux obligataires sont repartis à la hausse.

Cela aura l'heur de plaire aux promoteurs de régimes de retraite en réduisant la valeur de leurs engagements.

En revanche, cela augmente le loyer de l'argent, au grand dam des gouvernements (dont celui des États-Unis) qui ont des déficits à financer et des petites entreprises et des particuliers qui auront moins accès à du crédit bon marché.

Une seule lettre distingue le dosage et le dopage. Il est à souhaiter que Mme Yellen lise correctement la situation dans laquelle elle devra habilement manoeuvrer.