En écartant la menace de hausse des taux d'intérêt, la Banque du Canada change la donne pour les marchés financiers. Les taux courants des obligations deviennent soudainement attrayants, tandis que les marchés boursiers, maintenant sans alternative potentielle, justifient leur embellie récente. Le dollar canadien perd cependant nettement de son intérêt pour les investisseurs étrangers.

De fait, l'approche adoucie du gouverneur Stephen Poloz a eu une incidence immédiate. Au premier plan, le rendement des obligations du gouvernement du Canada échéant dans 10 ans a cédé 6 centièmes, à 2,43%, accentuant un mouvement baissier amorcé il y a quelques jours déjà. Ces taux avaient augmenté de plus d'un point de pourcentage depuis le printemps dernier quand la banque centrale avait d'abord ciblé l'inflation comme priorité, laissant planer un resserrement du crédit.

Quant au dollar canadien, il a abandonné près de 1 cent à l'encontre du billet vert américain dans les heures qui ont suivi la publication de la nouvelle politique monétaire canadienne. La décision de la banque centrale de maintenir son taux directeur inchangé à 1% pour la 25e occasion n'a surpris personne, mais le retrait du biais haussier a étonné les cambistes.

Comme toutes les devises liées aux ressources naturelles, le dollar canadien était déjà sous pression en matinée avec la hausse des prix de l'immobilier en Chine (+20% en un an à Guangzhou et Shenzhen). On craint que la Banque populaire de Chine resserre sa politique monétaire pour refroidir le marché.

Le huard a clôturé la séance avec une équivalence de 96,3 cents US, en recul de 89 centièmes par rapport à la veille. Il s'agit de sa plus forte baisse en quatre mois. En fait, le huard a perdu des plumes contre la majorité des 15 autres grandes devises.

«Nous serons chanceux si le huard est encore à ces niveaux dans trois à six mois», croit Geoffrey Yu, cambiste pour la firme UBS, qui ne voit pas la Banque du Canada intervenir avant que l'inflation ne pointe à 3% pendant trois mois consécutifs.

La Bourse de Toronto s'est, pour sa part, distancée de la morosité régnant à Wall Street en surfant sur sa lancée des derniers jours. Les sociétés industrielles ont particulièrement profité de l'adoucissement du ton de Stephen Poloz. Les financières, qui ont marqué beaucoup de points ces dernières séances, consolidaient quant à elles leur avance.

Les secteurs des métaux et minéraux, très sensibles à la situation économique en Chine, ont toutefois tiré le marché vers le bas de sorte que l'indice général S&P/TSX a clôturé à 13 243 points, en baisse de 5 points, mettant ainsi fin à six séances haussières consécutives. C'est toutefois beaucoup mieux qu'à New York et sur les autres grandes places boursières mondiales, où des reculs de 0,4 à 0,7% sont affichés pour la journée.

Les fonds de placement immobilier (FPI), de grands dépensiers en intérêts, devraient notamment profiter de la détente des taux, bien que rien n'ait paru hier. Un rapport de la Financière Banque Nationale soulignait cette semaine l'étroite corrélation entre la popularité de ces fonds qui rapportent de gros rendements en dividendes et les prix des obligations du Canada de 10 ans, qui peuvent être perçues comme un produit d'épargne concurrent.

Plusieurs économistes entrevoient maintenant la stabilisation des taux jusqu'à la fin de 2015, voire en 2016. Selon les projections de Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins, les conditions favorables à une première augmentation des taux directeurs canadiens ne pourraient être réunies qu'à partir de l'été 2015.