Les rachats d'actions sont au goût du jour. Sous pression pour réinvestir les profits accumulés ces dernières années, les grandes entreprises ne trouvent apparemment pas de meilleure option que d'acheter leurs propres actions sur les marchés pour ensuite les annuler.

Microsoft a notamment annoncé cette semaine son intention de racheter pour 40 milliards de dollars de ses actions dans le cours normal des Bourses. Le numéro un mondial du logiciel, impuissant à rattraper son retard dans le mobile face à Google et Apple, veut ainsi amadouer Wall Street. Apple a aussi l'intention de consacrer jusqu'à 50 milliards au rachat de ses parts, à peine de quoi écorner son débordant trésor de guerre.

Selon la firme McGraw-Hill, le nombre d'entreprises américaines ayant annoncé un programme de rachat d'actions a augmenté de près de 5% au cours des 12 mois terminés en juin et représente une valeur de plus de 420 milliards. Un record de 589 milliards avait été calculé en 2007, alors que le crédit débridé des banques alimentait la frénésie immobilière. Un minimum avait été enregistré durant l'année de récession 2009.

Les rachats sont particulièrement judicieux quand les marchés sont à genoux. Les compagnies trouvent alors avantage à racheter sur le marché des actions inscrites aux livres à une valeur supérieure. Ce n'est manifestement pas le cas cette année, les marchés boursiers américains étant à des niveaux records. Dans un marché haussier, la stratégie vise plutôt à protéger les profits par action de la dilution causée par l'attribution de titres aux cadres supérieurs comme bonis de performance.

Howard Silverblatt, analyste de Standard&Poor's, estime que, dans l'ensemble, les conseils d'administration ont davantage contribué à protéger leur bilan contre la dilution attribuable à l'exécution d'options d'achat d'actions qu'à créer de la valeur pour les actionnaires, durant les 12 derniers mois considérés. Plus précisément, 242 compagnies ont augmenté le nombre de leurs actions en circulation, tout compte fait, tandis que 225 ont effectivement réduit le solde.

Les rachats d'actions sont une solution de rechange - souvent décriée - au versement d'un dividende, extraordinaire ou ordinaire. L'analyste et investisseur britannique Terry Smith, démis de la firme UBS Phillips&Drew après avoir publié un livre sur les techniques des compagnies pour gonfler leurs profits, a notamment observé que, de 1972 à 1992, les actions à dividendes américaines ont offert un rendement total de 8,3% par an, contre seulement 1,4% pour celles qui ne versent pas de dividendes mais procèdent parfois à des rachats d'actions.

Au Canada, les programmes de rachats d'actions sont par ailleurs moins courants qu'aux États-Unis, ce qui fait d'ailleurs rager l'analyste Maxim Sytchev, de Valeurs mobilières Dundee. «Pourquoi une telle aversion au Canada? Nous ne préconisons pas que les entreprises se lancent dans une réingénierie financière comme nous avons vu avant la crise financière quand la disponibilité du capital [semblable à maintenant] a conduit les entreprises à emprunter pour racheter leurs propres actions. Ces histoires ont fini en larmes», écrit-il.

«Cela étant dit, quand il y a une sous-évaluation évidente combinée avec des bilans solides, nous nous demandons pourquoi les entreprises industrielles canadiennes ne sont pas plus enclines à racheter leurs actions par ramassage en Bourse ou même par enchères à la hollandaise», poursuit l'analyste spécialisé dans les titres industriels et d'infrastructures. Selon lui, la firme d'ingénierie SNC-Lavalin et l'entreprise de camionnage TransForce sont de parfaits candidats pour un rachat massif d'actions.

Principaux programmes de rachat d'actions

Aux États-Unis

Entreprises / Capitalisation ($) / Rachat ($)

1-Apple / 422 milliards / 50 milliards

2-Microsoft / 278 milliards / 40 milliards

3-Procter & Gamble / 220 milliards / 22 milliards

4-Coca-Cola / 175 milliards / 19 milliards

5-Philip Morris / 146 milliards / 18 milliards

Au Canada

Entreprises / Capitalisation ($) / Rachat ($)

1-Suncor / 56 milliards / 2,2 milliards

2-Potash Corp. / 29 milliards / 2,1 milliards

3-Brookfield Asset Mgt / 24 milliards / 2,0 milliards

4-BlackBerry / 5,6 milliards / 1,8 milliard

5-Cameco / 8 milliards / 1,8 milliard

Dans Québec inc.

Entreprises / Capitalisation ($) / Rachat ($)

1-Power Corp. / 14 milliards / 1,3 milliard

2-Valeant / 35 milliards / 835 millions

3-Groupe CGI / 11 milliards / 544 millions

4-Corp. Financière Power / 23 milliards / 538 millions

5-Metro / 6 milliards / 464 millions

Source : Bloomberg