La perspective d'un retrait prochain par la Réserve fédérale américaine de ses mesures de soutien à l'économie a fait trembler jeudi les marchés de la planète.

Marchés actions, devises, or, titres de dettes souveraines, matières premières: aucun actif financier n'était épargné par un mouvement de vente généralisé provoqué par des investisseurs inquiets, brusquement devenus rétifs à la prise de risque.

Habitués à vivre avec le soutien de la Réserve fédérale américaine, la Fed, qui injecte tous les mois des milliards de dollars d'argent frais dans le système via des achats d'actifs, ils doivent désormais se faire à l'idée qu'ils pourraient bientôt devoir marcher sans cette béquille.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du comité monétaire de la Fed mercredi soir, son président Ben Bernanke a averti que son institution pourrait réduire dès cette année le montant des titres qu'elle rachète sur le marché, en cas d'amélioration sur le front de l'emploi aux États-Unis.

En conséquence, «les actions sont prises dans un mouvement agressif de vente à travers le monde», explique Ishaq Siddiqi, stratégiste chez ETX Capital.

Tokyo a donc perdu 1,74% à la clôture jeudi matin. Shanghai a fini en baisse de 2,77%, Hong Kong de 2,85%, également plombées par un mauvais indicateur en Chine.

De leur côté, les Bourses européennes reculaient en moyenne de plus de 2,5% à la mi-journée.

Le mouvement de vente n'a pas épargné les titres de dette d'État. Les taux auxquels se financent les États, qui évoluent en sens inverse du prix et de la demande, sont nettement remontés des deux côtés de l'Atlantique mais aussi dans les pays émergents et en Asie.

Dans la foulée, l'or, pourtant valeur refuge, tombait sous le seuil de 1300 dollars l'once pour la première fois depuis près de trois ans.

La fin de l'argent facile procuré par la Fed éloigne encore plus les craintes d'une forte augmentation de l'inflation dans les mois à venir, ce qui pèse sur les cours de l'or, également considéré comme une protection contre la hausse des prix à la consommation, ont expliqué les analystes.

Les prix du pétrole ont eux aussi fortement baissé, tout comme l'euro, qui cotait 1,3208 dollar à la mi-journée contre 1,3297 mercredi soir.

Enfin, les devises des pays émergents, accusant le contrecoup des ventes massives d'actifs dans ces régions jugées plus risquées, souffraient, à l'image de la roupie indienne qui a chuté jeudi à un nouveau plus bas face au dollar.

«La Fed donne le cap et les investisseurs perdent le nord», ont résumé jeudi les stratégistes du Crédit Mutuel CIC.

Dans ce mouvement d'inquiétude généralisé, les marchés «ont ignoré le point positif dans le plan de la Fed», soutient ainsi toutefois M. Siddiqi.

La Réserve fédérale table en effet sur une amélioration prochaine de la situation économique aux Etat-Unis, condition sine qua non à tout changement de politique monétaire.

Plutôt court-termistes, les marchés ne s'appuient pas encore sur les meilleures perspectives économiques également avancées par la Fed, ils anticipent avant tout le ralentissement puis l'arrêt des injections de liquidités massives, dont ils ont largement profité ces derniers temps.

Pourtant, «l'essentiel est bien là», souligne Pascal Plunet, gérant chez Barclays Bourse. «Une amélioration des conditions économiques devrait réjouir les investisseurs après cinq années de doute», assure-t-il.