La Bourse regorge de dictons et l'approche du mois de mai rappelle inévitablement la vieille maxime « vendre en mai et s'en aller », traduction libre de « sell in May and go away ». D'autres disent « vends en mai et pars en vacances » ou bien « vends en mai et profite de l'été ». Un peu comme une invitation à jouer à la cigale.

Selon ce proverbe boursier répandu, il faudrait vendre en mai son portefeuille d'actions pour ne retourner sur les marchés qu'une fois la bise revenue. Le conseil, que répudierait La Fontaine, est appuyé sur l'analyse de la performance du Dow Jones des industrielles sur une longue période. Depuis 1950, le Dow Jones n'a augmenté en moyenne que de 0,6 % durant les mois allant de mai à octobre, d'après le Stock Trader's Almanac. À l'inverse, la progression est de 7,6 % de novembre à avril.

Évidemment, il y a des exceptions. Par exemple, quelqu'un qui aurait investi de mai à octobre 2003, après la récession, aurait réalisé plus de 15 % de gains sur le Dow Jones. Et on ne saurait oublier que les périodes automnales ont concentré le plus grand nombre de krachs boursiers depuis 60 ans.

L'adage vaut aussi au Canada. Selon une étude d'UBS Securities Canada, plus de 90 % du rendement de l'année à la Bourse de Toronto est réalisé entre les mois de novembre et de mai. Cela est surtout attribuable au fléchissement du marché des ressources jusqu'à l'arrivée de l'automne. Le prix du pétrole a notamment tendance à atteindre des niveaux plus élevés en février, mars, avril et mai.

De fait, une étude publiée en 2002 dans l'American Economic Review a vérifié la théorie dans les marchés boursiers de 36 pays sur 37. En Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, la totalité du rendement annuel moyen de la Bourse est ainsi réalisée de l'automne jusqu'au printemps suivant. À la City de Londres, les courtiers disent « sell in May... and buy back on The Derby day (le premier samedi de juin correspondant à la célèbre course de chevaux d'Epson).

La stratégie renvoie à l'idée qu'il y a des saisons en Bourse. On suppose que les gens sont plus portés à prendre des risques dans les premiers mois de l'année et cherchent à alléger leur portefeuille avant l'été pour avoir l'esprit tranquille. Certains croient d'ailleurs que cette théorie tire son origine de l'époque où les investisseurs aristocrates préféraient disposer de leurs revenus pour se distraire pendant la période estivale.

La « saisonnalité » dans les marchés dépend aussi des secteurs. Par exemple, les titres des brasseurs de bière représentent de bonnes occasions d'achat en hiver, et de bonnes occasions de vente en été. La firme Canaccord Adams a aussi vérifié que le groupe Mines et métaux du TSX offre des rendements moyens négatifs en été depuis plus de 20 ans.

En résumé, si un épargnant verse une somme d'argent à son compte de courtage chaque année, il devrait le faire en septembre, afin de profiter de la poussée d'octobre, novembre et décembre. À l'inverse, s'il retire une somme une fois l'an, juin serait le meilleur mois pour le faire. Ces choix pourraient lui être profitables sur une longue période.

Et tant pis pour la fourmi besogneuse de la fable.