Les grandes banques canadiennes devraient verser un dividende annuel extraordinaire à leurs actionnaires, comme c'était la mode dans les années 30, 40 et 50, suggère l'analyste Robert Sedran, de la firme Marchés mondiaux CIBC, au moment où les dirigeants de ces institutions financières colligent leurs résultats financiers du deuxième trimestre.

«Avec des niveaux élevés de capitaux et vu le ralentissement de la croissance des actifs, un dividende annuel extraordinaire est un débouché à envisager», affirme l'analyste qui n'a pas toujours été chaud à l'idée. Il considérait jusqu'à récemment qu'un pareil versement, imprévisible par définition, n'ajoutait rien à la valeur des actions. Mais tout est dans la façon de faire.

«Un dividende annuel extraordinaire pourrait être un moyen novateur pour satisfaire la demande de rendement des actionnaires tout en répondant à l'appel à la prudence des autorités réglementaires», écrit l'analyste. Il estime qu'une augmentation du taux de distribution des bénéfices des six grandes banques canadiennes, de 44% actuellement à 80%, amputerait moins d'un point de pourcentage à leur ratio de capital de première qualité (CET1). Ce scénario leur permet encore de faire face à une croissance de 5% des actifs à risque et de répondre aux attentes relevées du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).

Dans ces conditions, la Banque Nationale, par exemple, pourrait verser un dividende extraordinaire de 3,13$ l'action en plus de son dividende trimestriel de 83 cents, pour un rendement annuel total de 8,8%. Un rêve pour les investisseurs prudents en quête de rendement. Même avec un taux de distribution totale de seulement 60%, un rendement total de 6,6%, plutôt que 4,5% actuellement, serait apprécié.

Rétrospectivement, même la Banque CIBC, l'institution financière canadienne la plus durement frappée par la dernière crise financière, aurait pu verser des dividendes extraordinaires durant 10 des 13 dernières années tout en retenant 40% de ses bénéfices.

Toutes les banques n'ont pas à avoir la même politique de distribution. Les institutions financières qui visent des acquisitions voudront conserver leur capital de guerre et restreindront leur ratio de distribution. À cet égard, la Banque Toronto-Dominion est actuellement la plus réservée avec un ratio de seulement 41%, tandis que la Banque de Montréal est la plus prodigue en redistribuant 49% de ses profits.

Le dividende supplémentaire n'est pas assuré. Telle est sa qualité, tandis qu'une réduction du dividende trimestriel peut effrayer les investisseurs.

Le dividende extraordinaire peut néanmoins être assez prévisible, et bonifier en conséquence la valorisation des actions. C'est le cas si les banques se commettent sur un ratio de distribution fixe d'une année à l'autre et en font leur habitude, à la fin de chaque exercice à la lumière des résultats obtenus, suggère l'analyste de la CIBC.

Les dividendes extraordinaires étaient courants dans les années 30, 40 et 50. Ils sont devenus assez rares aujourd'hui, car les gestionnaires comptent plutôt sur les rachats d'actions, occasionnels et variables, pour écouler leurs liquidités excédentaires sans plus d'engagement.

Le secteur bancaire canadien peut se targuer d'avoir résisté à la crise économique et de s'en être mieux sorti que d'autres, garantissant aux investisseurs des dividendes élevés et en croissance soutenue au cours des dernières années. Mais ces belles années de rendements croissants pourraient être révolues, car les services bancaires de détail ralentissent le rythme.

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NOMBRE DE DIVIDENDES SPÉCIAUX VERSÉS

(PAR LES SOCIÉTÉS INSCRITES À LA BOURSE DE NEWYORK ET À L'AMERICAN STOCK EXCHANGE)

> 1926-1929: 550

> 1930-1939: 1450

> 1940-1949: 2600

> 1950-1959: 3000

> 1960-1969: 1250

> 1970-1979: 650

> 1980-1989: 300

> 1990-1995: 100