Crise de la dette souveraine en Europe. Mur budgétaire aux États-Unis. Atterrissage brutal de l'économie chinoise. À lire les manchettes financières, on aurait pu croire que la fin du monde surviendrait en 2012. Et pourtant non. La Bourse s'en est tirée à merveille... sauf au Canada.

En fait, c'était le monde à l'envers à la Bourse. Là où il y avait du sable dans l'engrenage, la Bourse a tourné rondement.

Voyez plutôt. Toute l'année, on a parlé des déboires de l'Europe. Eh bien ! parmi les grands pays industrialisés, devinez lequel a connu la meilleure performance l'an dernier? L'Allemagne, en hausse de 29%. Les Allemands en ont peut-être marre de payer pour leurs voisins surendettés, mais force est de constater que la crise les aide par la bande, en faisant fondre l'euro, ce qui rend leurs exportateurs plus concurrentiels.

Autre exemple: l'Europe est entrée en récession en 2012. Les chômeurs ont manifesté dans les rues. La Bourse européenne est-elle dans le rouge? Pas le moins du monde. Elle a grimpé de 14%.

Et que dire de la Grèce! Son économie a refoulé de 7% en 2012. Il aura fallu un nouveau plan de sauvetage pour lui éviter la faillite. Et voilà que sa Bourse clôture l'année sur un rebond de 33%.

Les nouvelles n'étaient guère plus roses de l'autre côté de l'Atlantique. Tout l'automne, le mur budgétaire a fait de l'ombre aux marchés financiers. Républicains et démocrates avaient jusqu'au 1er janvier pour s'entendre, autrement quelque 500 milliards de réductions de dépenses et de hausses d'impôt seraient entrées automatiquement en vigueur en 2013, retranchant 4,2% du PIB, assez pour précipiter les États-Unis dans une sévère récession.

Tic, tac, tic, tac... Une vraie bombe à retardement que les politiciens ont désamorcée à toute la dernière seconde, comme dans un vrai film de James Bond. Au final, seulement le tiers des mesures entreront en vigueur, ce qui retranchera 1,4% au PIB, un juste arbitrage entre l'austérité et la croissance économique.

Mais cette saga politico-économique n'a pas empêché la Bourse américaine d'avancer de 13% en 2012. Mine de rien, le marché du travail se rétablit. L'immobilier résidentiel, épicentre de la crise financière, reprend du mieux. Et les entreprises font des profits, un excellent moteur pour faire avancer les actions.

Au Canada, il n'y a pas de quoi sortir le champagne. On répète depuis trois ans que le Canada est passé à travers la crise financière avec brio: l'économie a esquivé la récession, les banques canadiennes sont parmi les plus solides de la planète... et le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, nous quitte en héros pour la puissante Banque d'Angleterre!

Mais à la Bourse, le Canada est à la traîne. Depuis trois ans, la Bourse américaine a fait deux fois mieux. Et l'an dernier, le Canada a connu l'une des performances les plus ternes des pays industrialisés, avec un gain de 4%. Il faut dire que l'économie américaine a devancé celle du Canada pour la première fois depuis 2004, indique Douglas Porter, économiste en chef de la Banque de Montréal.

Les États-Unis reprennent de l'élan, alors que le Canada perd de la vitesse. Pour 2012, le PIB américain devrait afficher une croissance de 2%, mieux qu'en 2011 et mieux que la moyenne de 2004 à 2010. Au Canada, la croissance du PIB en 2012 sera de 1,9%, ce qui est inférieur à 2011 et à la moyenne de 2004 à 2010, souligne Vincent Delisle, stratège de la Banque Scotia.

Idem sur le marché du travail. Si on regarde une image polaroid, le taux de chômage reste plus élevé aux États-Unis qu'au Canada. Mais l'image en mouvement révèle un autre portrait: depuis 24 mois, le taux de chômage a baissé de plus de deux points de pourcentage aux États-Unis, alors qu'il a peu bougé au Canada.

Et surtout, la tendance des profits s'est améliorée aux États-Unis, alors qu'elle s'est détériorée au Canada, ajoute M. Delisle. Depuis un an, les prévisions de profits des entreprises ont grimpé de 6% aux États-Unis, alors qu'elles ont baissé de 5% au Canada.

En fait, les entreprises canadiennes ont subi les contrecoups de la baisse de régime de l'économie chinoise. Durant des années, le Canada a profité du boom des ressources naturelles qui composent presque la moitié de la Bourse canadienne. Mais le cycle n'est pas éternel. Et l'an dernier, les secteurs des matériaux et de l'énergie ont piqué du nez.

Les investisseurs qui avaient diversifié leur portefeuille à l'extérieur du Canada ont donc été récompensés. Et il n'est pas trop tard pour bien faire, car la majorité des stratèges s'attend encore à une super performance des États-Unis en 2013.

L'année 2012 a aussi prouvé que les investisseurs doivent recommencer à s'intéresser à la tendance des indicateurs fondamentaux. Si les tensions politiques se calment en 2013, les actions fluctueront davantage en fonction de la santé et des perspectives des entreprises, plutôt qu'en fonction de l'humeur des Grecs ou du Congrès américain.