Pour la Bourse de New York, symbole du capitalisme américain, le rachat par l'InterContinental Exchange (ICE) marque la perte de l'indépendance mais probablement aussi la fin d'une époque, celle du courtage physique.

«C'est une page historique qui se tourne», affirme Gregori Volokhine, de la société d'investissement Meeschaert New York.

En passant sous le contrôle d'ICE, le New York Stock Exchange (NYSE) oublie définitivement les débuts de Wall Street, «quand les courtiers échangeaient leurs actions sous un arbre sur des bouts de papier», et «on ne les verra plus pleurer quand le marché baisse de 20%», regrette-t-il.

Mais cette évolution n'a rien d'une surprise pour les habitués.

Que NYSE Euronext se fasse avaler par un spécialiste des marchés dérivés et à terme, qui a bâti sa croissance sur les échanges électroniques, «n'est que la conséquence de ce qu'était devenue la Bourse de New York», constate M. Volokhine.

«Il y a cinq ans, 70% des actions américaines s'échangeaient sur le parquet, aujourd'hui c'est 20%», assure l'expert. La salle historique de Wall Street ne vibre plus aux moindres soubresauts du marché, les courtiers abandonnent le parquet les uns après les autres.

L'essor de nouvelles plateformes de courtage, telles Direct Hedge, BATS, ou Tradebook, a accompagné l'effondrement des parts de marché du NYSE.

La multiplication des problèmes de courtage comme le «krach éclair» qui avait fait plonger l'indice Dow Jones de près de 1000 points en quelques minutes en mai 2010, ou la gestion, controversée, de la fermeture de la Bourse pendant deux jours lors du passage de l'ouragan Sandy fin octobre, ont participé au déclin du NYSE.

De nombreux acteurs préfèrent désormais se tourner vers des sociétés qui proposent «des frais moins élevés et des temps d'exécution plus rapide» pour passer leurs ordres, a remarqué Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management.

«C'est un peu triste de voir ce qui fut la première place boursière au monde être vendue à un prix assez bas par rapport à sa valeur historique», a regretté Harvey Pitt, ancien président du gendarme boursier au début des années 2000 et désormais directeur de la société de conseils Kalorama, sur la chaîne d'informations financière CNBC.

«Mais cela traduit le fait que le courtage d'actions n'est plus un secteur d'avenir. Le futur appartient aux dérivés et aux marchés à terme», a-t-il ajouté.

Même si ICE a assuré vouloir conserver l'immeuble historique de Wall Street, «il ne semble pas avoir un réel intérêt pour l'activité de courtage d'actions», affirme M. Pitt, qui n'écarte pas la possiblité d'une scission.

«Tôt ou tard, on va arriver au même modèle que la Bourse de Paris», prédit M. Volokhine. «Le parquet du NYSE deviendra un endroit où il y a des caméras de télévision, et plus vraiment d'activité.»

La salle mythique de Wall Street accueillera probablement encore pendant encore quelques années quelques acteurs du monde financier, renchérit Peter Cardillo, de la société d'investissement Rockwell Global Capital. Mais «elle va peu à peu se transformer en musée».