C'est hier qu'Alcoa a lancé comme à l'habitude la saison des résultats trimestriels aux États-Unis. Même si, dans l'ensemble, les bénéfices ne seront guère reluisants, il ne semble pas que cela causera un recul significatif des marchés boursiers.

Pourquoi? Parce que la présence rassurante des banques centrales a permis une expansion des multiples cours/bénéfices durant le dernier trimestre, et que celle-ci devrait se poursuivre.

Le consensus des analystes de Wall Street indique que les bénéfices des sociétés de l'indice S&P 500 [[|ticker sym='SPX'|]] chuteront de 2,7% comparativement au même trimestre de l'année précédente, la pire performance depuis 2009. Ces bénéfices ont été révisés à la baisse tout au long du trimestre, car il y trois mois ces mêmes analystes prédisaient qu'ils seraient plutôt à la hausse de 1,9%.

Plusieurs entreprises dont les résultats sont directement liés à la santé de l'économie font partie de celles qui ont dû prévenir que leurs profits chuteraient. Notons entre autres Caterpillar, dont la demande pour ses produits et ses équipements est directement liée par la croissance économique mondiale, ainsi que les transporteurs FedEx et UPS dont les bénéfices seront affectés, au dire de leurs dirigeants, par un ralentissement du commerce international.

Même Apple avait prévenu dès juillet que ses profits seraient de 25% inférieurs aux attentes des analystes à ce moment-là.

Mais depuis trois mois, l'assurance que les banques centrales utiliseraient tous les moyens nécessaires pour enrayer toute panique sur les marchés financiers a permis une expansion des multiples cours/bénéfices, c'est-à-dire que les investisseurs ont accepté de payer plus cher pour les actions relativement aux bénéfices que les compagnies génèrent, explique Pierre Trottier, gestionnaire de portefeuilles à l'Industrielle Alliance. «Malgré les révisions de profits à la baisse, l'indice S&P 500 s'est apprécié de 5,7% durant le troisième trimestre», dit-il.

Ce sont les taux d'intérêt extrêmement bas qui ont permis cette expansion des multiples, selon M. Trottier. Le taux des obligations de 10 ans du gouvernement américain n'est que de 1,6%. Comparativement, le rendement en bénéfices des sociétés du S&P 500 est de 7,5%. «Grâce à des bilans solides, ces compagnies sont en position de racheter leurs actions et d'augmenter les dividendes», dit le gestionnaire. Les investisseurs préfèrent donc les actions.

Les stratèges de Wall Street se trompent-ils une fois de plus?

Les perspectives de chute de bénéfices et les risques liés à la situation dans la zone euro ont rendu les stratèges de Wall Street très nerveux face aux marchés boursiers. En effet, au 30 septembre, ces stratèges suggéraient aux investisseurs de n'allouer que 44% de leurs investissements aux actions. Historiquement, l'allocation suggérée en actions est de 60-65% en moyenne. Depuis 27 ans que cette enquête est menée, l'indicateur se retrouve aujourd'hui à son plus bas niveau, à l'exception de juillet 2012 alors qu'il touchait un creux de 43,9%.

Sur une base d'opinion contraire, cet indicateur s'est toujours avéré très performant, donnant tort immanquablement aux stratèges de Wall Street, souligne Pierre Trottier. «Chaque fois qu'il s'est retrouvé sous la barre des 50%, le rendement du S&P 500 durant les 12 mois suivants a toujours été positif avec une médiane de 30%», avance-t-il.

Attention à l'activité manufacturière

Mais à plus long terme toutefois, la tendance à la baisse des profits, si elle devait se poursuivre, pèsera inexorablement sur les indices boursiers. Le cycle débute avec l'activité manufacturière, explique Sylvain Ratelle, stratège chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. On assiste d'abord à un recul de la production, puis à une baisse des profits, et finalement à une chute des marchés boursiers.

Aujourd'hui, malgré une légère hausse lors du dernier mois, la tendance de l'ISM, l'indicateur le plus suivi pour mesurer l'activité manufacturière, est clairement à la baisse depuis le début de l'année, note le stratège. «Cet indicateur devra rebondir pendant plus d'un mois pour espérer que la baisse des bénéfices s'arrête et pour éviter que les Bourses chutent», dit M. Ratelle.