La baisse des profits qui tire d'un côté, mais les programmes d'assouplissement monétaire des banques centrales qui tirent de l'autre. À ce jeu de souque à la corde, pas facile de dire qui l'emportera. Mais, pendant ce temps, les gestionnaires de portefeuilles doivent composer avec un marché boursier de plus en plus déconnecté de la réalité économique.

Ce qui détermine ultimement l'évaluation boursière, ce sont les profits, nous a-t-on toujours enseigné. Pourtant, alors que le cycle des profits semble avoir atteint son sommet et que les perspectives pour les prochains trimestres sont fréquemment révisées à la baisse, la Bourse américaine est à son plus haut niveau depuis quatre ans.

Si les investisseurs ne semblent pas trop se préoccuper des profits, c'est que les banques centrales veillent au grain. Et ce phénomène occupera de nouveau le devant de la scène économique et financière cette semaine alors que la Réserve fédérale (Fed) tiendra une réunion de deux jours les 12 et 13 septembre.

Croissance des profits à la baisse

Pour le deuxième trimestre, les bénéfices des entreprises composant le S&P 500, bien qu'à un niveau record, n'ont augmenté que de 0,8% comparativement à l'année précédente. Pour le trimestre en cours, le consensus des analystes prévoit que la croissance des bénéfices sera négative, et ce, pour la première fois depuis trois ans.

Pis encore, il y a trois fois plus d'entreprises qui prévoient que leurs profits n'atteindront pas les prévisions des analystes pour le prochain trimestre que d'entreprises qui pensent qu'elles les surpasseront. Il faut retourner près de quatre ans en arrière, au moment de la faillite de Lehman Brothers, pour retrouver des perspectives aussi sombres, révèle Christine Short, directrice de l'évaluation et des stratégies de risque chez S&P Capital IQ, en entrevue au Financial Times. «Généralement, de tels chiffres surviennent lors des périodes de récession», dit-elle. «Cela en dit long sur ce que les dirigeants des grandes sociétés pensent des perspectives économiques mondiales», ajoute Mme Short.

Comme nous ne sommes pas au début du cycle des profits, mais plutôt à son sommet, la tâche des gestionnaires de portefeuilles devrait être facile. Ils n'ont qu'à diminuer leurs positions en actions, surtout dans les secteurs cycliques qui sont les premiers à souffrir du ralentissement. Mais ce n'est pas si simple.

Ne pas se mettre en travers de la Fed

Ils doivent aussi composer avec les politiques des banques centrales. Et un des buts avoués de celles-ci est de favoriser les marchés financiers. On veut à tout prix éviter un recul de l'effet de richesse que procure aux consommateurs une hausse du marché boursier.

C'est dans ce contexte que la Fed annoncera jeudi si elle lance ou non un troisième programme d'assouplissement quantitatif (QE 3). Les chiffres de l'emploi publiés vendredi dernier ont indiqué une création de 93 000 postes alors qu'on en prévoyait 125 000. Ainsi, la probabilité que la Fed annonce cette semaine le QE 3 est plus élevée que la semaine dernière, croit Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale. Mais il est plus probable, selon lui, que la décision soit reportée à une des deux autres réunions de la Fed prévues avant la fin de l'année, soit les 23-24 octobre et les 11-12 décembre.

Toutefois, même si la Fed optait pour remettre la décision à plus tard, la seule éventualité qu'elle le fera à plus ou moins court terme constitue une menace pour tous les investisseurs qui seraient tentés de réduire leurs positions en prévision des baisses de profits.

La présence de la Fed pousse les marchés boursiers plus haut, car elle décourage quiconque songerait à vendre ou à établir des positions à découvert, explique Jean-René Adam, gestionnaire de portefeuilles chez Hexavest. «Ainsi, personne n'ose se mettre en travers de la Fed, et ce, même si le marché s'avère totalement déconnecté de la réalité économique», dit-il.

Or, cette menace est d'autant plus grande que les banques centrales en Europe et aux États-Unis parlent maintenant de programme d'assouplissement ouvert. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de limite quant au montant qu'elles pourront injecter. Lors des programmes précédents, l'ampleur des interventions était connue.