Les hausses d'impôt pour les gens riches promises par le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ne plaisent pas aux Québécois fortunés... mais pas au point de les pousser à vendre leurs avoirs dès maintenant pour espérer économiser de l'impôt sur le gain en capital.

Selon des experts consultés par La Presse Affaires, les importantes ventes d'actions lancées récemment par certains dirigeants d'entreprise du Québec ne sont pas liées au contexte électoral.

Et ceux qui gèrent la fortune des gens riches ne notent aucune frénésie particulière chez leurs clients. 

Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont annoncé leur intention d'augmenter la proportion du gain en capital qui sera imposé s'ils sont élus. Malgré cela, les gens fortunés ne semblent pas encore se précipiter pour liquider des actifs et économiser de l'impôt en profitant des conditions actuelles. 

«Personne, personne, personne ne bouge à cause des élections, tranche Hélène Bronsard, vice-présidente de la gestion privée chez Raymond Chabot Grant Thornton. Leurs préoccupations n'ont rien à voir avec la CAQ ou le PQ. Aucun gestionnaire ne m'a fait part d'appels de clients à cet égard.»

«Nos clients ne sont pas plus actifs et n'ont aucune inquiétude particulière», dit aussi Jean-Paul Giacometti, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Claret. 

Le message est le même chez Medici et Landry Morin, deux firmes de gestion de portefeuille. Et il est corroboré par les bras de gestion privée de la Banque Nationale et de BMO Groupe Financier.

Gildan nie la thèse électoraleSi des gens fortunés semblent actuellement actifs sur le marché, ce sont toutefois les dirigeants d'entreprise.

Au cours des derniers jours, Jolina Capital, le holding de Lino Saputo, a vendu coup sur coup deux importants blocs d'actions, l'un dans Transforce, l'autre dans Saputo, pour près de 300 millions. 

Le président du fabricant de vêtements Gildan, Glenn Chamandy, a aussi annoncé son intention cette semaine de vendre des titres pour 85 millions.

Nos dirigeants devancent-ils leurs transactions par crainte que le Parti québécois ou la CAQ ne soient élus et viennent rogner leurs gains?

La famille Saputo n'a pas voulu commenter. Mais Glenn Chamandy, de Gildan, a complètement nié cette thèse. 

«La perspective d'une élection du Parti québécois ou de la CAQ n'a pas été un facteur dans la décision de M. Chamandy», a dit Geneviève Gosselin, porte-parole de Gildan.

Pas la faute des sondages

Selon Daniel Labrecque, administrateur chez Gestion privée Cumberland, la thèse de la crainte des hausses d'impôt n'est pourtant pas farfelue. 

«Peut-être que les gens qui pensaient liquider une partie de leurs actions dans les deux ou trois prochaines années décident de le faire tout de suite pour économiser de l'impôt, surtout si les actions transigent à un sommet. Je pense que c'est logique de penser ça», dit-il. 

Il doute cependant que les gens d'affaires aient réagi aussi rapidement aux derniers sondages, et croit qu'ils attendront ce voir ce que feront vraiment les politiciens avant de bouger.

«Ce ne sont pas des décisions qui se prennent en une semaine. Je pense que le prix (des actions) était bon et qu'il s'agit d'une coïncidence», dit aussi Jean-Paul Giacometti, de Claret.

Le gestionnaire convient cependant «qu'il est possible que certaines transactions soient devancées» à cause des craintes de hausse d'impôt.

Glenn Chamandy, de Gildan, a annoncé qu'il commencera à vendre ses actions le 17 décembre prochain et que le processus durera 24 mois, ce qui semble écarter le scénario d'une décision précipitée motivée par les perspectives d'élections.

Des observateurs avaient aussi prévu que Lino Saputo réduirait sa participation dans Transforce à la suite à son départ du conseil d'administration de l'entreprise.