Le géant américain Lowe's (LOW) devra vraisemblablement rempiler s'il veut mettre le grappin sur le quincaillier québécois Rona (T.RON). Le prix payé de 14,50$ est manifestement insuffisant pour emporter l'affaire.

Selon l'analyste Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale (FBN), la prise de contrôle de Rona pourrait coûter de 15$ à 19$ par action.

La valeur comptable du titre est de 15$, en incluant l'achalandage, note-t-il pour justifier la valeur basse de sa fourchette.

À l'autre pointe, le coût de reconstitution d'un pareil réseau de quincailleries serait d'au moins 19$ l'action, selon une récente étude de l'analyste.

Jim Durran, de la banque Barclays de Londres, entrevoit lui-même une bonification possible de l'offre de Lowe's de 50 cents à 1$, soit de 3 à 7% de plus.

«Compte tenu de l'absence d'offres concurrentes, nous ne miserions toutefois pas là-dessus», prévient toutefois l'analyste de commerce de détail situé à Toronto.

Scepticisme

En fait, les analystes doutent même de voir la transaction se concrétiser vu la levée de boucliers de Québec inc. L'analyste de la FBN estime à 50% la probabilité de voir l'entreprise emportée par une OPA. Il n'envisageait qu'une probabilité de 15% avant que Lowe's ne se manifeste.

Le marché paraît aussi sceptique. Le titre a bondi à 14,49$ dès l'ouverture du marché, mardi matin, 1 cent de moins que le prix proposé par Lowe's, ce qui laissait présager un match serré entre acheteurs et vendeurs.

Le titre s'est toutefois replié au cours de la séance alors que les opposants se manifestaient. Il a terminé la séance à 13,50$, 1$ de moins que l'offre sur la table.

La Caisse de dépôt et placement du Québec n'a pas hésité à allonger 14,167$ l'action, en moyenne, mardi matin pour s'approprier 2,4 millions d'actions additionnelles de Rona alors en pleine effervescence.

L'opération financière est stratégique, comme la Caisse cherche à bloquer la vente du fleuron québécois, mais le bas de laine des Québécois doit aussi pouvoir répondre de cet investissement réalisé à prix fort dans un marché baissier.

Optimisme

En tant que société indépendante, Rona vaudrait tout au plus 14$, dans les contextes économique et boursier actuels, selon l'analyste de la FBN. Celui-ci applique un multiple de 10,5 fois au bénéfice par action qu'il prévoit pour 2013 et 2014.

L'entreprise, qui souffre de la faiblesse du marché de la rénovation, a déjà touché les 25$ en de meilleurs temps. Elle doit faire connaître ses résultats du deuxième trimestre la semaine prochaine. Les analystes, optimistes, s'attendent à voir un redressement hâtif des affaires.

Les analystes entrevoyaient un prix cible de 11,44$ seulement pour les actions de Rona, les plus optimistes tablant sur 13$, avant le dépôt de l'offre d'achat américaine.

C'est sans compter toutefois la prime de contrôle. Les entreprises paient régulièrement des primes de 40 à 60% aux détenteurs de titre pour avoir la mainmise totale.

Le prix d'achat soumis par Lowe's représente une prime de près de 20% seulement sur le cours du titre même si celui-ci escomptait déjà en partie une possible opération d'achat, la rumeur étant dans l'air depuis des mois.

Notons qu'une activité inhabituelle a agité le titre jeudi dernier, pendant que le conseil d'administration de Rona évaluait l'offre de Lowe's.

Les actions de Rona ont bondi de 7%, sans justification apparente. Quelque 4 millions d'actions (3% du flottant) ont été brassées, le deuxième plus fort volume de l'année.