Certaines compagnies aurifères auront bien tenté de faire profiter leurs actionnaires du prix élevé de l'or, ces derniers trimestres. Trop peu, trop tard. Cela n'a rassasié personne. Pire, l'appétit des investisseurs s'en trouve aiguisé alors qu'il devient de plus en plus difficile aux producteurs de tenir leurs engagements.

Les investisseurs ont fait bien peu de cas, la semaine dernière, de la hausse de 33% du dividende de Barrick Gold. Le marché a plutôt puni l'entreprise pour avoir raté la cible des analystes, laissant le titre choir de près de 3% dans la journée et encore de 2% le lendemain.

La plus importante entreprise aurifère de la planète, forte d'un bénéfice trimestriel de 1 milliard de dollars, soit autant qu'une banque, a porté son dividende trimestriel de 15 à 20 cents. Il avait précédemment augmenté de 25% l'an dernier. Au cours actuel, cela représente néanmoins un rendement annuel de seulement 2%, deux fois moins que les banques. Kerry Smith, analyste minier chez Haywood, note qu'il faudra des dividendes encore plus élevés pour améliorer le rendement des actionnaires de Barrick.

Pour sa part, Goldcorp, la deuxième plus importante société minière au Canada, n'avait pas la main aussi heureuse, ce dernier trimestre. La société minière de Vancouver a enregistré un bénéfice net en baisse, mais encore substantiel à 479 millions US, ou 51 cents US par action, au premier trimestre. Aux prises avec des conditions difficiles à sa mine de Red Lake, en Ontario, et un minerai de moindre qualité, elle maintient à 4,5 cents son dividende trimestriel, une fraction des fonds disponibles. Malgré deux hausses ces 12 derniers mois, le rendement en dividendes de la riche aurifère n'est toujours que de 1,5% en ce cas.

Même scénario pour Agnico-Eagle qui stoppe la croissance de son dividende, après avoir enregistré une perte au dernier trimestre en raison d'une dépréciation de sa mine Meadowbank, au Nunavut, où les coûts sont élevés. L'année dernière a été une période difficile pour Agnico-Eagle, qui a été contrainte de fermer sa mine Goldex à Val-d'Or, au Québec, en raison de formations rocheuses instables et des inondations. Cela ne l'avait toutefois pas empêché de quadrupler son dividende qui représente aujourd'hui un rendement de 2%.

L'an dernier, 27% des sociétés aurifères ont versé un dividende, trois fois plus qu'en 2010, selon la firme PricewaterhouseCoopers. Elles cherchaient ainsi à faire profiter leurs actionnaires de la forte montée des prix de l'or, ce que leur titre ne reflétait guère. Depuis cinq ans, l'or a augmenté de 156% tandis que la valeur des producteurs à la Bourse n'a augmenté que de 32%. Newmont Mining, troisième producteur canadien, avait même poussé le concept jusqu'à lier le montant de son dividende au prix du lingot le trimestre précédent. Le rendement annuel demeure cependant de 2,7% seulement, aux cours actuels.

«Newmont avait une bonne idée, mais le dividende doit être irrésistiblement élevé», commente l'analyste George Topping, de Stifel Nicolaus Canada, de Toronto, qui critique sévèrement les grandes sociétés minières. Selon lui, les constructeurs profitent plus de la frénésie minière que les actionnaires. Des mines qui coûtaient 2 milliards il y a quelques années, drainent maintenant 5 milliards, figure-t-il. De fait, Barrick, Newmont et Goldcorp prévoient des investissements totaux de 11,8 milliards cette année, trois fois plus qu'il y a cinq ans, selon des donnes compilées par Bloomberg.

L'analyste dit espérer que les gestionnaires cessent la course à la croissance pour se concentrer sur les projets de qualité supérieure et payer des dividendes plus élevés, voire un rendement de 5%.