Il n'est pas rare qu'une fois le printemps bien installé, les marchés boursiers faiblissent. De fait, ce phénomène se produit si souvent que les stratèges suggèrent d'approcher la saison estivale avec beaucoup de prudence: «Sell in may and go away», disent-ils.

Cet adage a bien servi les investisseurs l'an dernier. Le 30 avril, l'indice S&P 500 a touché son sommet de l'année. Ceux qui ont alors vendu en mai, en plus d'encaisser les profits accumulés, ont évité la dégringolade causée par la crise des dettes souveraines en Europe.

Même chose en 2010. Du sommet de la fin du mois d'avril, le marché subissait une correction de plus de 15% au cours des mois suivants.

Vivrons-nous le même scénario cette année? Nul doute que les variables se ressemblent étrangement. Les marchés boursiers sont en hausse de 10-12% depuis le début de l'année. L'Europe vacille à nouveau, affectée par la situation en Espagne et l'élection présidentielle en France. Et la croissance économique en Chine continue d'inquiéter.

La saisonnalité est un facteur important quand vient le temps d'établir les perspectives boursières, explique Jean-Luc Landry, président de Landry Morin, une firme de gestion de portefeuilles de Montréal. «Pour l'avoir étudiée sur les périodes de 10 et de 30 ans, je constate que la théorie de vendre en mai fonctionne bien», dit-il.

«Sauf toutefois lorsque des facteurs fondamentaux très forts sont présents», ajoute-t-il. Ce fut le cas en 2009. On se rappellera qu'au sortir de la crise financière, les marchés avaient perdu 50% de leur valeur et que les signes de reprise économique se manifestaient. Le 9 mars 2009, les marchés entamaient une ascension que même les facteurs saisonniers n'ont pas pu ralentir.

Mais en 2012, rien de tel. Au contraire, les marchés ont déjà rebondi fortement, dopés qu'ils étaient par les interventions des banques centrales, autant en Europe qu'aux États-Unis. «Les effets de ces programmes d'assouplissement monétaire prendront bientôt fin, ce qui risque de fragiliser les marchés», dit M. Landry.

De bons profits, mais peu de traction

L'arrivée du mois de mai coïncide aussi avec la fin de la saison des résultats financiers aux États-Unis. Alors que 400 des 500 entreprises du S&P 500 ont publié leurs résultats, les bénéfices du premier trimestre sont en hausse de 5,4% comparativement à ceux du même trimestre de l'année précédente. «Ils ont surpassé largement les attentes, mais celles-ci avaient été révisées à la baisse plusieurs fois au cours des mois précédents», indique Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale.

Par ailleurs, il note que les profits n'ont pas vraiment entraîné les marchés dans un rallye d'envergure. Au mieux, l'annonce des bénéfices a réussi à supporter les marchés, sans pouvoir leur insuffler une nouvelle énergie. «Ce manque de traction des marchés a de quoi inquiéter alors que les facteurs saisonniers défavorables se pointent», dit-il.

Conserver les actions américaines

Comme il n'est jamais recommandé de vendre toutes ses actions, il importe de déterminer le meilleur endroit où investir. Et à cet égard, le marché américain semble le plus invitant. D'abord parce que le jeu des devises devrait favoriser la détention d'actions américaines.

Les données économiques européennes pourraient ne pas être très bonnes. Et si on y ajoute les inquiétudes quant aux dettes souveraines, on peut craindre que les marchés soient plus volatils en Europe, indique M. Lettieri. Cela s'accompagnera de pression sur l'euro. Dans ce contexte, le dollar américain devrait s'apprécier.

Quant au marché canadien, il devrait traîner la patte, car la reprise du marché des commodités semble pour l'instant remise à plus tard, selon l'économiste de la Financière.

«Comme l'économie américaine continue de progresser, on garde ses actions américaines et on vend le reste», dit Jean-Luc Landry. Pour lui, nous demeurons en mode «bull market», mais il n'y a plus grand-chose à l'horizon cette année pour justifier des investissements tous azimuts.