C'était probablement l'assemblée annuelle la plus attendue de l'année. Jeudi, à Toronto, la direction de SNC-Lavalin a assuré à ses actionnaires que l'entreprise sortirait de la crise plus forte qu'avant. Et on a aussi appris que son ex-président, Pierre Duhaime, a failli être congédié, mais que l'entreprise a jugé qu'il était dans son intérêt de lui verser quand même la prime de 4,9 millions de dollars prévue à son contrat.

SNC-Lavalin [[|ticker sym='T.SNC'|]] a songé à congédier son ex-président, Pierre Duhaime, afin qu'il ne touche pas sa prime de départ de 4,9 millions de dollars.

C'est ce qu'a révélé hier le président du conseil, Gwyn Morgan, lors d'un point de presse en marge de la très attendue assemblée annuelle de l'entreprise qui se déroulait à Toronto.

Interrogé par les journalistes pour savoir pourquoi M. Duhaime avait touché sa prime alors qu'il a approuvé des paiements douteux et violé les règles de l'entreprise, M. Morgan a répondu que cette prime était inscrite au contrat de M. Duhaime.

«L'entreprise avait deux options, et l'une d'entre elles était de réclamer qu'il soit congédié [fired for cause]. Après réflexion et analyse minutieuse, nous avons décidé qu'il était dans le meilleur intérêt de l'entreprise de ne pas contester son contrat», a dit M. Morgan.

SNC, qui avait utilisé plusieurs expressions différentes pour décrire le départ de Pierre Duhaime, a confirmé hier que l'homme n'était plus le bienvenu dans le siège de président.

«Évidemment, on lui a demandé de céder son poste», a dit M. Morgan.

Même s'ils ont répété à plusieurs reprises vouloir aller «au fond des choses» dans l'histoire des paiements douteux de 56 millions US qui secoue l'entreprise, les dirigeants de SNC ont affirmé hier avoir mis fin à leurs enquêtes.

«Notre entreprise et les enquêteurs ont poussé l'enquête aussi loin qu'ils le pouvaient. Ils ont fait tout le travail possible pour trouver ce qu'il est possible de trouver par des organisations civiles. En remettant le dossier aux autorités, notre espoir était et demeure qu'elles aient les moyens d'aller beaucoup plus loin», a dit Gwyn Morgan.

SNC a réitéré ne pas savoir où sont allés les 56 millions US de paiements suspects, et a dit ne pas savoir si d'autres irrégularités ont été commises. L'entreprise a aussi dit tout ignorer de l'arrestation de Riadh Ben Aïssa, un ancien vice-président montré du doigt dans le scandale. M. Ben Aïssa est actuellement emprisonné en Suisse, où il est accusé de corruption et de blanchiment d'argent.

L'entreprise a cependant précisé qu'elle avait signifié son intention de congédier M. Ben Aïssa, mais qu'il a démissionné avant d'être limogé.

L'affaire Vanier soulevée

Compte tenu des circonstances, l'assemblée annuelle fut moins mouvementée qu'on aurait pu le croire. D'entrée de jeu, le président du conseil a reconnu que la firme de génie québécoise traverse ses moments les plus difficiles en 101 ans d'existence.

Devant une salle bondée, les dirigeants ont tout de même essuyé des critiques sur l'histoire de Cynthia Vanier, cette consultante engagée par SNC-Lavalin pour travailler en Libye et qui croupit actuellement dans une prison mexicaine. Mme Vanier est soupçonnée d'avoir tenté de faire passer au Mexique le fils de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi.

Une amie de Mme Vanier, Catherine Allen, a accusé SNC d'avoir abandonné son ex-consultante.

«Honte à vous, a lancé Mme Allen. Qu'allez-vous faire pour aider Cindy?»

Le président du conseil, Gwyn Morgan, a répondu que l'entreprise ne pouvait rien faire d'autre que de collaborer avec les autorités.

Un actionnaire, John Hansen, a aussi haussé la voix contre le président intérimaire, Ian Bourne.

«Vous devez opérer un changement de cap, monsieur. Et j'aimerais vous voir changer le cap de cette entreprise très rapidement», a-t-il tonné.

M. Hansen a aussi demandé comment tant de hauts dirigeants avaient pu avoir vent des irrégularités commises sans que le conseil d'administration en soit informé. «Il me semble y avoir un grand manque de communication au sein du bureau du président», a-t-il dit.

La firme de recherche financière Veritas, qui a examiné les documents publiés par SNC, a conclu dans un rapport qui a fait beaucoup de bruit qu'au moins huit hauts dirigeants ont eu une certaine connaissance des irrégularités avant qu'une enquête ne soit déclenchée.

L'un d'eux est le chef des affaires financières, Gilles Laramée. M. Laramée savait dès 2010 que des paiements étaient comptabilisés pour de mauvais projets, mais n'en a pas avisé le conseil d'administration et a continué à garantir l'intégrité des états financiers.

Le conseil n'aurait-il pas aimé en être informé plus tôt?

«Bien sûr que nous aurions aimé», a répondu le président du conseil, Gwyn Morgan, qui a cependant défendu M. Laramée en affirmant qu'il avait fait son travail en rapportant les problèmes à l'ex-président, Pierre Duhaime.

«Nous avons fait notre travail et identifié tous les employés qui avaient à être identifiés», a ajouté M. Morgan.

SNC, qui a lancé une recherche internationale pour trouver un nouveau président, a aussi révélé que le candidat devra maîtriser les deux langues officielles du pays.

Carnet de commandes bien garni à l'appui, l'entreprise s'est employée à convaincre ses actionnaires qu'elle a fait le ménage dans ses pratiques et qu'elle conserve la confiance de ses clients.

«Nous sortirons des difficultés plus forts qu'auparavant», a dit Gwyn Morgan.

REVENUS

1,8 milliard

(") 8,8%

PROFITS

67 millions

(-) 14,5%