Depuis l'annonce de l'acquisition du réseau norvégien de stations-service Statoil Fuel and Retail, le titre d'Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B) a pris un bon coup de gaz. Et demeure sur son erre d'aller. Une réaction a priori étonnante, à plus d'un égard. À moins évidemment que l'affaire soit encore nettement meilleure qu'il n'y paraît à première vue. Analyse.

Lors d'une offre publique d'achat, si le titre convoité s'apprécie jusqu'à parfois dépasser le prix offert, l'acheteur perd généralement au jeu. Or, Alimentation Couche-Tard, qui oscillait autour de la barre des 30$ depuis un an, a bondi d'une dizaine de dollars depuis la mi-avril et se maintient encore aujourd'hui nettement au-dessus des 40$.

À première vue, Couche-Tard court pourtant beaucoup de risques dans cette opération. Risque financier, risque de change, risque pétrolier, et risque opérationnel pour ne pas dire syndical. D'autres perdraient le sommeil pour moins que cela.

Financièrement, les 3,6 milliards de dollars (en incluant la dette assumée de 860 millions) requis pour conclure l'affaire pèsent lourd dans un bilan. Pour le moment, pas question d'émission d'actions. Cela représente presque la moitié de la capitalisation boursière actuelle du titre.

Une forte proportion des revenus de Couche-Tard seront libellés en couronnes norvégiennes, une curiosité dans les poches des touristes. Mais il s'agit d'une devise stable à l'écart des difficultés de la zone euro et qui repose sur une économie d'une certaine stabilité économique bénéficiant d'un endettement faible.

Quant au risque pétrolier, depuis quelques années, les marges bénéficiaires à la pompe sont ordinaires. Les aléas de prix de la matière de base le sont moins. Ces contractions peuvent faire mal à un détaillant comme à une chaîne.

Du côté opérationnel, Couche-Tard, précédée par son mauvais dossier en matière de syndicalisation, est reçue froidement dans un pays à forte tradition syndicale. À La Presse Affaires, le président d'Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, a expliqué cette semaine qu'à tout le moins, là-bas, ses concurrents ont les mêmes contraintes: «On joue tous sur le même terrain de jeu.»

Une aubaine?

Alors, est-ce que la poussée boursière de Couche-Tard révèle une super aubaine sous-jacente?

L'appréciation boursière de plus de 25% de Couche-Tard depuis l'annonce n'a pas échappé à l'analyste européen Martin Stenshall, de Danske Markets, qui conclut en effet que «l'offre de SFR est trop faible». Il souligne que les 53 couronnes norvégiennes par action (51,20 après dividende) représentent 6,2 fois seulement le bénéfice avant impôts et amortissement obtenus par Statoil au cours des 12 derniers mois. «Il est possible que les actionnaires s'en rendent compte et qu'ils exigent une offre plus élevée», écrit l'analyste. De fait, le titre s'échange à un prix légèrement supérieur à celui sur la table.

Dans l'ensemble, les analystes demeurent majoritairement positifs au sujet du titre, même au niveau actuel. Six sur onze seraient acheteurs. Un seul est vendeur. Ainsi, pour l'analyste Vishal Shreedhar, spécialiste des détaillants à la Financière Banque Nationale, l'achat de Statoil Fuel and Retail lui procure une nouvelle avenue de croissance. Chez Marchés des capitaux RBC, l'analyste Irene Nattel estime que cette acquisition fournira à Couche-Tard une entrée en Europe de «bonne taille et à un coût très raisonnable». L'analyste Peter Sklar, de BMO Capital, n'a pas été impressionné par les derniers résultats trimestriels de Statoil et souligne les risques liés à la transaction, incluant la piètre performance des économies européennes.

Merrill Lynch et la banque norvégienne ABG Sundal Collier ont analysé l'offre, à la demande de Couche-Tard et Statoil, et ont conclu que la somme proposée est «équitable». La Bourse d'Oslo a par ailleurs demandé un troisième avis, totalement indépendant. Conclusions sous peu.

Hier, à la Bourse de Toronto, le titre de Couche-Tard a pris encore 47 cents pour clôturer à 44,05$.