Steve Jobs s'y opposait, mais les petits investisseurs le souhaitent. Et ces derniers pourraient voir leur voeu exaucé, car la volatilité récente prêche en faveur d'un fractionnement des actions d'Apple (AAPL).

Quand la valeur d'un titre double ou triple rapidement, cela créé un problème pour les gestionnaires de portefeuilles. Ils sont heureux bien sûr des gains qu'ils réalisent, mais, en même temps, cette situation les amène à revoir la gestion du risque. Ils se retrouvent avec un titre dont le poids est trop élevé dans le portefeuille.

Une saine gestion du risque les incite alors à vendre une partie de leur position afin de rétablir l'équilibre.

Par exemple, au Groupe Eterna, firme de gestion de portefeuilles de Québec, 4% du portefeuille d'actions américaines était investi dans Apple, soit la plus grosse position permise selon leur critère de gestion du risque.

La hausse rapide du prix de l'action a fait en sorte que la valeur de la position a excédé la limite permise.

«Nous avons donc vendu une partie de notre position, même si nous aimons encore autant, sinon plus, l'entreprise que lorsque l'on a initié le placement», explique Jean Duguay, directeur des investissements.

Cette façon de gérer le risque, très répandue chez les grandes institutions financières, était l'une des causes de la correction que subissait l'action d'Apple juste avant la publication de ses résultats trimestriels, croit Tom Lloyd, consultant auprès de courtiers et de firmes de recherche américaines, et collaborateur à MarketWatch, division du Wall Street Journal. Rappelons que le prix de l'action d'Apple avait chuté de 11% durant les dernières semaines avant l'annonce des résultats.

Au cours des trois mois précédant cette correction, l'action avait gagné plus de 60%. «Après une telle hausse, plusieurs institutions devaient réduire leurs positions afin de diminuer l'exposition totale du portefeuille à un seul titre», dit M. Lloyd.

L'efficacité du marché passe par les petits investisseurs

Apple est principalement détenue par les institutions. Mais quand ils vendent pour des questions de gestion de risque, qui reste-t-il pour acheter?

Un prix de 600$US pour une action a un effet dissuasif pour le petit investisseur qui ne peut pas se convaincre de n'acheter que quelques actions.

Pourtant le grand public est une composante essentielle d'un marché efficace, explique Tom Lloyd. Sans la participation des particuliers, le marché a semblé inefficace à établir la valeur réelle des actions d'Apple au cours des derniers mois, selon lui.

Cette situation risque de perdurer jusqu'à ce que l'action soit fractionnée. En échangeant une action actuelle pour 20 nouvelles actions, le prix d'une action tomberait théoriquement à 30$ et susciterait la participation de beaucoup d'investisseurs individuels.

Steve Jobs, l'illustre président d'Apple disparu l'an dernier, s'opposait farouchement autant au fractionnement des actions qu'au paiement d'un dividende.

Mais sa succession semble en voie de modifier la culture de la société, note Jean Duguay. Le mois dernier, on a annoncé le paiement d'un dividende trimestriel et le rachat d'actions. «Rien ne s'opposera éventuellement à un fractionnement des actions», dit-il.

Les résultats avant tout

Toutefois, bien que le prix élevé de l'action et les critères de gestion de risque soient des facteurs non négligeables, ils demeurent marginaux comparativement aux résultats de l'entreprise, explique Richard Guay, professeur de finance à l'UQAM et ex-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le principal facteur qui fait bouger le prix d'une action, ce sont les prévisions de bénéfices. Et à ce compte, les perspectives d'Apple sont très intéressantes, explique-t-il. «L'annonce le mois dernier du paiement d'un dividende et d'un programme de rachat d'actions constitue un signal très fort de la confiance des dirigeants», dit-il.

De plus, la société n'a pas de dette et jouit de marges bénéficiaires énormes. «Et même à 600$US, la valorisation boursière d'Apple est attrayante étant donné que le titre ne se négocie qu'à peine à 13 fois les bénéfices escomptés en 2012», ajoute-t-il.

Un bémol. Les bonnes marges bénéficiaires attisent la concurrence. «De gros acteurs comme Samsung voudront en profiter», dit M. Guay.