Une correction des marchés semble bien en cours, mais jusqu'où nous mènera-t-elle? Pendant que la ronde des résultats trimestriels se poursuit et laisse entrevoir une croissance plus faible des bénéfices, la semaine s'annonce décisive en Espagne alors qu'un refinancement obligataire est prévu pour jeudi. Le spectre d'une Europe en sérieuse difficulté reviendra-t-il hanter les marchés comme il l'a fait l'automne dernier?

Les deux premières semaines d'avril ont été difficiles pour les marchés. L'indice S&P 500 est en baisse de près de 4% et est en voie de pénétrer sa moyenne mobile de 50 jours, ce qui signifierait que la tendance à court terme est en train de s'inverser.

Cela n'a rien d'étonnant, explique Ron Meisels, président de Phases & Cycles, firme spécialisée en analyse technique. Durant les trois premiers mois de l'année, les marchés ont monté sans interruption. «Aucun gestionnaire de portefeuilles n'a voulu se mettre en travers, et le marché s'est apprécié de 13%», rappelle-t-il.

Avec la fin du premier trimestre, la hausse a fait place à une ronde de prise de profits. Cette prudence des investisseurs est probablement de mise étant donné que les indices boursiers sont largement au-dessus de leur moyenne mobile moyenne de 200 jours. Ce qui signifie que les cours boursiers sont actuellement bien au-dessus de leur tendance à long terme.

Quelle sera l'ampleur de la correction? Deux scénarios sont possibles, selon Ron Meisels. D'abord, la correction horizontale. Peu de choses motivent alors des changements importants dans les cours, si bien que le marché évolue pendant un certain temps à l'intérieur d'un corridor relativement étroit. Le président de Phases & Cycles estime que les bornes supérieure et inférieure de ce corridor pour le S&P 500 seraient 1395 et 1360. Si c'est le scénario qui devait prévaloir, la plus grande partie de la baisse serait déjà derrière nous. Ce mouvement latéral du marché pourrait durer quelques semaines, si ce n'est un mois ou deux.

Dans le deuxième scénario, un élément catalyseur causerait un mouvement de marché nettement plus violent, et sûrement beaucoup plus éprouvant pour les investisseurs. L'indice risquerait alors de chuter rapidement vers sa moyenne mobile de 200 jours qui se situe actuellement à 1290.

Bien qu'un calme relatif règne sur le front européen depuis quelques mois, cela pourrait maintenant changer et fournir l'élément catalyseur d'une chute des marchés alors que l'attention se porte à nouveau vers l'Espagne.

Qui voudra des obligations espagnoles?

Les obligations espagnoles de 10 ans ont franchi le niveau psychologique de 6% hier. Elles ont touché 6,15%. En même temps, les obligations de même échéance de l'Allemagne se retrouvaient à un creux record de 1,63%. Le record précédent avait été établi en novembre dernier au plus fort de la crise des dettes souveraines en Europe.

Rappelons que c'est lorsque les obligations de l'Italie avaient franchi la barre des 7% que la panique s'était installée sur les marchés l'automne dernier.

On en saura plus long sur l'appétit des investisseurs jeudi, quand l'Espagne procédera à la vente aux enchères de nouvelles obligations de 2 ans et de 10 ans. Entre-temps, l'incertitude est palpable sur le marché des CDS (credit default swap), qui sont des assurances en cas de défaut de paiement de l'emprunteur. Une protection portant sur 10 millions US d'obligations espagnoles coûte actuellement 520 000$US par année, un record.

Sans une intervention de la Banque centrale européenne (BCE), le taux des obligations espagnoles semble destiné à monter plus haut, a expliqué hier Lyn Ann Taylor, stratège pour le banquier belge Rabobank, au cours d'une entrevue sur CNBC. «L'état de crise est de retour», dit-elle.

Mais le hic, c'est qu'à la BCE, on serait de plus en plus réticent à racheter les obligations des pays en difficulté. On se souviendra qu'il avait fallu de longues négociations entre le duo Merkel-Sarkozy et les dirigeants de la BCE, l'automne dernier, avant que ceux-ci n'acceptent à la toute dernière heure de participer au plan de sauvetage de la Grèce et de l'Euro.