Depuis que le calme est revenu en Europe après la crise des dettes souveraines, les principaux indices boursiers grimpent de 4-5% par mois sans jamais se retourner. Ils laissent derrière tous ceux qui doutaient de la validité de cette embellie et qui ont préféré attendre plus de certitude quant aux perspectives à long terme avant de se commettre sur les marchés.

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Mais en touchant la barre des 1400 points, un niveau plus élevé que la plupart des stratèges prévoyaient pour l'ensemble de l'année, l'indice S&P 500, par la robustesse de sa reprise, relance la question quant au potentiel du marché pour cette année. Pourra-t-on aller encore beaucoup plus loin?

Plusieurs en doutent. À ce niveau, l'indice se retrouve dans le haut de la fourchette de variations avec laquelle nous sommes confortables pour l'année 2012, explique Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale. «Bien qu'on ne sache jamais avec certitude où se situera le sommet, les marchés américains devraient maintenant ralentir», dit-il.

Plusieurs données économiques encourageantes, dont les chiffres de l'emploi, ont été publiées au cours des derniers mois, mais l'amélioration des conditions économiques serait pleinement répercutée dans les cours boursiers.

La hausse des marchés s'explique par le fait que les profits des entreprises continuent d'être bons. Mais à la Financière, on s'attend à ce que les marges bénéficiaires se contractent bientôt. Depuis le début de l'année, les bénéfices sont en hausse de 12%, alors que les ventes ont augmenté de 7 à 9%.

Il existe une possibilité que les marchés poussent encore plus haut, mais celle-ci repose sur l'éventualité d'une expansion des multiples, selon M. Lettieri. L'indice S&P 500 se négocie actuellement à un ratio cours/bénéfices de 14. Comme la croissance des bénéfices risque de ralentir, il faudra que ce ratio augmente pour que le marché s'apprécie de façon significative. Mais les chances que cela se produise sont minces. Depuis 1975, les expansions du ratio cours/bénéfices se sont produites généralement lorsque les marges bénéficiaires étaient également en expansion. Toutefois, on note que le ratio cours/bénéfices atteint parfois son sommet un peu plus tard que les marges bénéficiaires.

Sentiment très positif

Certains stratèges croient qu'une complaisance dangereuse est en train de s'installer. On met de côté les mauvaises nouvelles, et on oublie que la situation économique en Europe est précaire et continue de se dégrader, note Jean-René Adam, aide-stratège chez Hexavest. «Le sentiment des investisseurs est devenu beaucoup trop positif, ce qui indique souvent que le sommet du marché est atteint», dit-il. Il s'attend maintenant à une correction de 5 à 10%.

Et il n'y a pas que l'Europe qui suscite des interrogations sur le plan économique. En Chine, on tente d'effectuer une correction contrôlée du secteur immobilier. «Mais on ne sait toujours pas si l'atterrissage se fera en douceur», dit M. Adam.

Quant aux États-Unis, l'embellie économique dont ils profitent pourrait s'arrêter sous peu. La hausse du prix de l'essence va immanquablement toucher les consommateurs. Et peu importe les résultats des prochaines élections, on se dirige vers des hausses d'impôts, craint le stratège d'Hexavest.

Réduire les positions en actions

À la Financière Banque Nationale, on recommandait en début d'année une surpondération du portefeuille dans les actions américaines et une sous-pondération dans les actions européennes. Avec la hausse des marchés, on a depuis réduit cette surpondération de titres américains, tout en conservant la sous-pondération en actions européennes. Les actifs ainsi libérés ont été investis dans les obligations à rendement réel.

À ce stade-ci, le risque d'une fragilisation de l'économie demeure plus grand en Europe qu'aux États-Unis, estime M. Lettieri. Plusieurs analystes demeurent confiants pour l'instant quant à la situation européenne, mais il craint qu'ils sous-estiment l'impact de la récession dans les vieux pays. «Ces analystes ne prévoient pas que la croissance des profits pourrait devenir négative, mais ils pourraient être surpris», dit-il.