Depuis au moins un an, la plupart des conseillers financiers recommandent aux investisseurs de cibler les titres qui versent un bon dividende. La stratégie s'est avérée excellente en 2011. Les entreprises du S&P 500 qui versent un dividende se sont appréciées de plus de 10%, pendant que l'indice lui-même terminait l'année inchangé.

Même constat sur le marché canadien. En comparant l'indice S&P/TSX 60 et le fonds négocié en Bourse (FNB) de dividendes CDZ, on constate que les titres à dividende ont grimpé de 6% en 2011 alors que l'indice a perdu près de 9%.

Mais, depuis le début de l'année 2012, c'est tout à fait l'inverse. Les titres à dividendes ont perdu 1,3% pendant que les titres qui n'en versent pas ont gagné 8,3% aux États-Unis. Bien que l'ampleur soit moindre, c'est la même chose au Canada. L'indice a monté de 5,33% pendant que le FNB de titres à dividende a n'a pris que 3%.

S'agit-il d'un phénomène passager, ou le goût du risque des investisseurs est-il bel et bien de retour et poussera les marchés vers de nouveaux sommets, laissant derrière les titres plus défensifs?

Rééquilibrage

Les comités de placement des caisses de retraite et des grands fonds ont l'habitude de rééquilibrer leurs portefeuilles au début de l'année en fonction des secteurs qui offrent le meilleur potentiel de rendement, explique Stéphan Buu, gestionnaire de portefeuilles chez CTI Capital.

Dans l'environnement de taux d'intérêt très bas préconisé par la Réserve fédérale (Fed) et la plupart des banques centrales, les titres à dividende apparaissaient très attrayants l'année dernière, étant donné les revenus trimestriels qu'ils procuraient aux investisseurs. Ces titres sont devenus la valeur refuge par excellence en 2011. Et leur valorisation boursière a suivi.

Mais en même temps, ayant été négligés durant toute l'année à cause des craintes de récession à l'échelle mondiale, les actifs risqués sont devenus des aubaines. «Le rééquilibrage par les grands investisseurs est en train de corriger cette situation. Ils se délestent des titres chers pour acquérir les aubaines», dit M. Buu.

Mais pour combien de temps encore?

À l'encontre du consensus

À la Bourse, les reprises se produisent souvent lorsque les attentes sont au plus bas. En fin d'année, le consensus des stratèges était unanime. «Le premier trimestre allait être difficile et les marchés allaient connaître de nouveaux bas», rappelle Vincent Lépine, stratège chez Gestion d'actifs CIBC.

Mais deux choses allaient changer. D'abord, les actions de la Banque centrale européenne (BCE) en décembre, plus résolues que ce que les dirigeants avaient laissé entendre durant l'automne, allaient apaiser les tensions.

Puis, une embellie économique allait se présenter. Les données économiques sont maintenant meilleures, et pas seulement aux États-Unis. «On est beaucoup plus loin d'une récession en Europe que ce que l'on croyait il y a quelques mois», dit M. Lépine.

Grâce à cette meilleure toile de fond, et au fait que peu de gens l'avaient prévue, les marchés pourraient s'emballer à court terme, croit M. Lépine. «Surtout si la question de la dette de la Grèce trouve un dénouement au cours des prochains jours», précise-t-il.

Le changement d'attitude chez les investisseurs est évident, note également Marco Lettieri, économiste adjoint à la Financière Banque Nationale. «Les marchés réduisent la prime de risque sur les actions», dit-il.

Toutefois, il demeure sceptique quant à la durabilité de ce mouvement haussier. Principalement parce qu'il n'est pas accompagné d'une remontée des taux obligataires. «Les taux des obligations de 10 ans demeurent très bas, ce qui ne démontre pas une diminution du risque de ce côté», dit-il.

De plus, une croissance des bénéfices tiède en 2012 devrait limiter la hausse des cours boursiers. «À la suite des performances récentes, on s'approche déjà de nos objectifs de gains boursiers pour l'année», dit M. Lettieri.

Comme les banques centrales promettent de maintenir les taux d'intérêt très bas pour quelques années encore, les titres à dividende pourraient bien retrouver la faveur des investisseurs assez rapidement.