La décision du Québec de ne pas attendre l'Ontario pour franchir une autre étape vers l'imposition d'un système de plafonnement et d'échange des droits d'émission de gaz à effet de serre (GES) ne sera peut-être pas la catastrophe appréhendée par certains acteurs industriels. Mais elle ne mènera pas à l'objectif souhaité qui est la création d'une Bourse du carbone à Montréal dès 2013.

C'est du moins ce qu'espèrent les entreprises visées par la nouvelle réglementation, qui ne veulent pas d'un marché où le Québec sera tout seul.

«On peut espérer que la situation évolue et que cette échéance [de 2013] soit retardée d'une autre année», a fait savoir hier Hélène Lauzon, la présidente du Conseil patronal de l'environnement du Québec.

Il faudra laisser le temps au marché de s'organiser, dit de son côté le porte-parole des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Simon Prévost, qui doute que cela puisse se faire d'ici janvier 2013 comme le veut le gouvernement.

L'industrie a mené un lobby intense pour que le Québec attende l'Ontario avant d'aller de l'avant, en vain. Elle veut maintenant convaincre le gouvernement qu'il est préférable d'attendre avant de passer à l'achat et la vente de crédits de carbone. «Il faut que, quand ça démarrera pour vrai, on ne soit pas les seuls», plaide Simon Prévost.

Chez les Manufacturiers exportateurs du Québec, on est convaincu qu'une Bourse du carbone est le meilleur moyen de réduire les émissions de GES. Mais pas si l'Ontario et les territoires limitrophes du Québec n'y participent pas.

Pour les entreprises de certains secteurs comme la métallurgie, la cimenterie et celle des pâtes et papiers, la réglementation générera des coûts que leurs concurrents ou leurs autres usines n'auront pas à assumer. «Pour que ce projet ne nuise pas à la compétitivité des entreprises québécoises, il faudrait que plusieurs administrations, avec qui le Québec est en compétition, fassent la même chose», a souligné Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Seule la Californie, un État avec lequel le Québec a peu de liens commerciaux, se dit prête à créer une Bourse du carbone.

Entraînement

Si la plupart des entreprises redoutent les coûts de la nouvelle réglementation, d'autres voient plutôt les avantages. C'est le cas des entreprises spécialisées dans les technologies propres, qui en espèrent des retombées en espèces sonnantes et trébuchantes.

Denis Leclerc, président et chef de la direction de la grappe des technologies propres (Écotech Québec), croit que la décision du gouvernement du Québec est une belle occasion pour les entreprises québécoises de montrer la valeur qu'elles peuvent apporter.

Écotech veut organiser des rencontres entre ses membres et les entreprises visées par la réglementation, une sorte de speed dating qui profiterait aux deux parties.

Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre voient surtout le côté négatif de la réglementation, croit Denis Leclerc, mais il y a aussi un côté positif.

«Il faut voir ça comme un camp d'entraînement qui va permettre de se faire la main avant de jouer pour vrai», illustre-t-il. Quand la Bourse du carbone sera une réalité, les entreprises québécoises auront une longueur d'avance sur les autres, selon lui.

Le fait que le Québec risque de se retrouver tout seul en 2013 sur un marché du carbone n'inquiète pas trop Denis Leclerc. «D'ici 2013, il va s'en passer des choses», dit-il.

Le gouvernement de Jean Charest espère que d'ici là, l'Ontario l'aura rejoint sur la ligne de départ, mais si ce n'est pas le cas, le «camp d'entraînement» pourrait durer plus longtemps, estime-t-il lui aussi.