Le nouveau gouvernement espagnol issu des urnes dimanche n'a eu droit lundi à aucun état de grâce sur les marchés, toujours très pessimistes à l'égard de la zone euro qui se cherche un sauveur face à la dégradation de la situation.

Les marchés l'ont désigné depuis longtemps en la personne de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), seule institution capable selon eux et certains gouvernements de sauver la monnaie unique.

«Nous sommes devant un choix horrible. Dans l'ordre des horreurs, l'alternative est la suivante: soit une intervention massive de la BCE, soit la catastrophe», a résumé le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, dans une interview à la Frankfurter Allgemeine Zeitung publiée lundi.

Seul problème, la BCE, soutenue par l'Allemagne, refuse de jouer ce rôle.

Berlin a ainsi réaffirmé lundi son refus d'une plus forte intervention de l'institution de Francfort dans la lutte contre la crise de la dette, n'y voyant pas le «remède miracle» attendu par les marchés.

La Banque centrale européenne se refuse toujours à jouer le rôle de prêteur en dernier ressort des États européens en rachetant de manière illimitée des obligations souveraines, qu'elle n'acquiert qu'au compte-gouttes et sur le marché secondaire où s'échangent les titres déjà émis.

Pourtant, a jugé le ministre polonais, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, «le risque est celui d'un désastre économique historique qui, comme la grande dépression des années 1930, conduirait au final l'Europe dans la guerre».

Dans ce contexte, la victoire massive de la droite en Espagne ce week-end n'a rien changé.

Les Bourses européennes ont continué leur plongeon, l'accentuant même en fin d'après-midi, et le marché obligataire restait sous tension, dans un climat d'incertitudes et faute de solution à court terme.

La Bourse de Francfort a ainsi terminé en baisse de 3,35%. La Bourse de Madrid cédait elle près de 3,5% en clôture, en dépit de la victoire du Parti populaire (PP) et de son chef Mariano Rajoy, appelé à former le nouveau gouvernement espagnol. Le PP a obtenu la majorité absolue et infligé à son rival socialiste sa plus grave défaite depuis le retour de l'Espagne à la démocratie.

Sur le marché des emprunts d'État, les taux espagnols sur dix ans sont repartis à la hausse à plus de 6,5% en fin d'après-midi, contre 6,3% vendredi.

En Italie, au centre de l'inquiétude des marchés la semaine dernière, le taux à dix ans restait élevé, au-dessus des 6,6%. La Bourse de Milan a terminé de son côté en chute de plus de 4,7%.

La Bourse de Paris, qui a terminé en baisse de 3,41%, pâtissait de son côté d'un avertissement de l'agence de notation Moody's qui a estimé lundi matin qu'une hausse des taux des obligations françaises et des perspectives de croissance économique détériorées risquaient d'avoir des conséquences négatives sur la note de la dette du pays.

La Bourse d'Athènes perdait elle plus de 4%, dans l'attente des résultats de la rencontre prévue en fin d'après-midi à Bruxelles entre le nouveau chef du gouvernement grec Lucas Papademos et les responsables européens.

La Grèce attend de ses partenaires le versement vital de 8 milliards d'euros d'ici la mi-décembre. Mais les ministres des Finances de la zone euro ont réclamé des engagements écrits au gouvernement grec sur l'application des mesures d'austérité et les réformes structurelles, avant le versement de cette aide.

M. Papademos a réitéré lundi son appel à toutes les formations politiques pour qu'elles confirment par écrit cet engagement, alors qu'Antonis Samaras, chef du parti conservateur (Nouvelle Démocratie, ND) et partenaire du gouvernement de coalition, a réitéré samedi son opposition à un tel engagement.

Les euro-obligations que la Commission européenne veut proposer cette semaine apparaissaient du coup aux yeux de certains comme une solution possible à la crise. L'Allemagne a douché ces espoirs lundi, n'y voyant là encore aucune «solution miracle».

Dans un «Livre vert», la Commission européenne juge pourtant que cette mutualisation des emprunts publics des pays de la zone euro pourrait «rapidement atténuer» la crise actuelle. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a d'ailleurs réaffirmé lundi son soutien à la création de ces euro-obligations dans la zone euro lorsqu'elle aura atteint un niveau suffisant de discipline budgétaire

Les Européens ne sont pas les seuls à se débattre avec la crise de la dette.

Aux États-Unis, la «super-commission» du Congrès, chargée de trouver 1.200 milliards de dollars d'économies, semblait se diriger tout droit vers un échec, à l'approche de la date-butoir de mercredi au-delà de laquelle se déclenchera, faute d'accord, un mécanisme de coupes automatiques dans les dépenses.

Du fait des désaccords entre démocrates et républicains, le Washington Post prédisait ce week-end l'échec de ces négociations dès lundi.