Les faibles taux d'intérêt à long terme font très mal à l'Industrielle Alliance (T.IAG), et les investisseurs semblent avoir saisi l'ampleur du problème.

En effet, le prix de l'action a chuté de 17% en deux jours la semaine dernière après que la compagnie eut annoncé des bénéfices par action de 0,53 $.

Ce n'est que lorsque le titre a touché 26,50 $ en fin de séance jeudi dernier que des acheteurs se sont finalement manifestés. Le volume de transactions s'est alors accéléré significativement et la chute s'est arrêtée. Mais pour l'instant, pas de rebond. La valeur comptable par action de l'assureur au 30 septembre était de 26,74 $.

Une fois l'an, à la clôture de son exercice financier le 31 décembre, l'Industrielle Alliance ajuste ses réserves actuarielles après avoir évalué si ses placements sont suffisants ou non pour respecter ses engagements en regard des polices d'assurance et des produits d'épargne qu'elle a vendus à ses clients. Ses placements sont composés en grande partie d'obligations. Ainsi, plus les taux sont bas, plus le montant qu'elle doit investir est élevé.

Au 30 septembre, les taux de rendement des obligations à long terme étaient déjà plus bas qu'au 31 décembre 2010, soit 2,77 % comparativement à 3,53 % pour les obligations du gouvernement canadien, et 3,86 % contre 4,42 % pour les obligations du gouvernement québécois.

Si ces taux demeurent inchangés au 31 décembre prochain, l'assureur québécois devra ajouter 206 millions à ses réserves actuarielles pour conserver un ratio de solvabilité autour de l'objectif avoué de 200 %, estime Peter Routledge, analyste à la Financière Banque Nationale. Elle pourra y arriver en ajustant ses hypothèses quant au taux de mortalité ainsi que par quelques actions administratives pour un impact d'environ 200 millions, croit l'analyste. Il prévoit que les bénéfices par action dans ces circonstances seront peu touchés et atteindront 0,60 $. Cela se compare 0,53 $ lors du dernier trimestre.

Toutefois, si les taux baissaient encore plus, un effet boule de neige se produirait. Par exemple, une baisse additionnelle de 0,20 % des taux aurait un impact négatif de 1,20 $ par action sur les bénéfices, estime M. Routledge. Une nouvelle levée de capitaux serait alors nécessaire pour maintenir le ratio de solvabilité au même niveau.

Rappelons que l'Industrielle Alliance a vendu en secret pour 200 millions de dollars de ses actions à la Caisse de dépôt l'été dernier.

Perspectives incertaines

La chute des taux obligataires est intimement liée à la crise européenne. La crainte d'une faillite de la Grèce et de ses conséquences sur ses voisins européens et sur les banques accentue la demande pour les obligations de qualité telles celles des gouvernements du Canada et du Québec.

Il est difficile de prévoir quand et comment se réglera la crise européenne. Mais peu croient à une solution rapide. Comme les engagements de l'assureur québécois sont à très long terme, son évaluation boursière souffrira tant que dureront les tensions macro-économiques en provenance d'Europe, estime Peter Routledge.

L'image que projette le graphique des variations quotidiennes du titre (voir le tableau) n'est pas très encourageante, selon Monica Rizk, analyste senior chez Phases & Cycles, une firme spécialisée en analyse technique. En chutant sous la barre des 30 $, le prix de l'action a enfoncé son principal niveau de support.

De plus, l'analyste rappelle qu'à partir du printemps, le titre a connu une période de consolidation de plusieurs mois, fluctuant dans un couloir de variations entre 39 $ et 41 $. Mais en juillet, le titre est sorti de ce couloir par le bas et a ensuite enfoncé sa moyenne mobile de 200 jours. « C'étaient deux très mauvais présages «, dit-elle.

Par ailleurs, l'Industrielle Alliance est une entreprise très bien gérée, affirme Christian Godin, chef des actions canadiennes chez Montrusco Bolton. « Elle n'a pas l'habitude qu'ont ses concurrentes Manuvie et Sun Life d'arriver à tout moment avec des pertes imprévues «, dit-il.

De plus, la présence de la Caisse de dépôt, qui y a investi 200 millions il y a quelques mois, ajoute un élément de sécurité, selon lui.