Un investisseur mécontent est forcé de mettre une croix sur les dizaines de milliers de dollars qu'il réclamait à son courtier pour lui avoir fait rater une bonne affaire.

La Cour suprême du Canada a refusé jeudi d'entendre la cause de Boris Osadchuk, qui reprochait à son courtier d'avoir omis d'acheter les actions d'une entreprise alors qu'il lui avait pourtant spécifiquement demandé de le faire.

L'agriculteur de Saint-Pie-de-Bagot avait amené devant les tribunaux son courtier de la Financière Banque nationale, Claude Rémillard, lui réclamant plus de 285 476 $ en dommages intérêts.

M. Osadchuk prétendait avoir demandé à son courtier, le 4 août 2005, d'acheter des actions de l'entreprise Baidu, le «Google chinois», dès que la compagnie ferait son entrée en bourse.

Le lendemain matin, comme le titre de Baidu ne figurait toujours pas au tableau boursier, M. Rémillard est parti jouer au golf tel qu'il l'avait mentionné à son client. L'entreprise est entrée en bourse un peu plus tard, mais le courtier, absent, n'a pu acheter de titres à ce moment. Le cours de l'action a bondi dans les heures suivant son entrée en bourse.

L'investisseur a soutenu que son plan aurait été d'acheter 3000 actions valant 35 $ US chacune lors de l'entrée en bourse du moteur de recherche chinois. Il les aurait vendues quelques jours plus tard, alors qu'elles avaient atteint 120 $ US. M. Osadchuk a par la suite changé sa version des faits en réalisant que l'action avait plutôt fait son entrée sur le tableau boursier à 66 $ US. Il a alors indiqué qu'il aurait acheté à 70 $ US et aurait vendu ultérieurement à 150 $ US.

Pour sa part, M. Rémillard a constamment maintenu que jamais son client ne lui avait fait de commande claire. D'une part, il était impossible de savoir le prix qu'aurait l'action au moment où elle se transigerait, et de l'autre, son client n'avait pas les liquidités nécessaires pour procéder à une telle transaction.

«On n'achète pas peu importe le prix et surtout pas quand il n'y a pas d'argent au compte pour le faire», avait-il fait valoir au tribunal de première instance.

En 2008, la Cour supérieure du Québec a donné raison à la Banque nationale et son courtier, expliquant que pour qu'il y ait compensation, la perte subie aurait dû être en lien avec un gain certain et direct. Les gains en bourse sont par définition hautement incertains.

«En rétrospective, le profit manqué aurait résulté non pas seulement des fluctuations, ô combien imprévisibles, du titre boursier concerné, mais surtout des décisions personnelles et subjectives de M. Osadchuk d'acheter à tel prix et de vendre à tel autre prix», avait écrit le magistrat Louis Crête dans son jugement.

«Bien malin celui qui pourrait juger, après coup, à quel prix ce demandeur compulsif et spéculateur aurait acheté ses actions (et quand) et à quel prix il les aurait vendues (et quand)», avait-il conclu.

Une demande d'appel à la Cour d'appel du Québec a par la suite été refusée à l'investisseur. Comme elle en a l'habitude, la Cour suprême du Canada n'a pas expliqué jeudi les raisons du rejet de l'autorisation d'appel.