Trop d'argent qui bouge trop vite: les techniques boursières toujours plus sophistiquées et automatisées, tel le «flash trading» jouant sur des écarts de quelques millisecondes, ont largement alimenté les mouvements brusques sur les marchés ces dernières semaines.

Les Bourses ont connu une nouvelle journée noire jeudi, le CAC 40 dégringolant par exemple de 5,48%.

Cette rechute intervient juste au moment où elles se remettaient à peine d'une période d'agitation et de volatilité extrêmes, les fortes hausses succédant aux chutes violentes parfois en l'espace de quelques minutes, dans un mouvement de yoyo totalement déconcertant.

Cette mauvaise passe, qui a rappelé la crise financière de 2008, trouve certes sa source dans les inquiétudes sur l'économie mondiale, mais elle a été exacerbée par des facteurs purement techniques et financiers.

«Manifestement, on a connu des phases début août, avec des mouvements brutaux, où il n'y avait pas beaucoup de place pour la réflexion», résume Jean-Louis Mourier, économiste chez le courtier Aurel BGC.

Témoins des mouvements anormaux, les volumes de transactions ont bondi, signe des ravages de nouvelles techniques d'investissement comme le «trading à haute fréquence» ou encore le «flash trading» qui brasse des sommes d'argent énormes.

Le «trading à haute fréquence» permet d'acheter ou de vendre des titres en grande quantité en un temps record, en jouant sur les failles du marché, grâce à des processus informatiques complexes.

Il représenterait selon plusieurs sources plus de la moitié des échanges sur les marchés américains et un gros tiers en Europe.

Le «flash trading» permet à certains opérateurs, moyennant des frais, d'avoir accès aux ordres d'achat ou de vente d'actions quelques millisecondes avant les autres investisseurs.

Par définition, rappelle M. Mourier, ces techniques «ne répondent pas aux fondamentaux». Elles sont très opaques et à courte vue, ce qui rend difficile de savoir qui agit.

Elles ne sont pas pour l'heure encore strictement encadrées, même si les régulateurs boursiers en font leur cheval de bataille et s'il existe des coupe-circuits sur les marchés.

Ces pratiques s'ajoutent à celles plus anciennes, très prisées des investisseurs, comme les ventes à découvert, récemment restreintes en Europe sur les valeurs financières. Très spéculatif, le mécanisme de la vente à découvert consiste à emprunter un actif dont on pense que le prix va baisser et à le vendre, avec l'espoir d'empocher une forte différence au moment où il faudra le racheter pour le rendre au prêteur.

Ces phénomènes ont été aggravés par le fait qu'ils se soient produits au mois d'août, période au cours de laquelle de nombreux investisseurs sont en vacances et où les décisions d'achat ou de vente prises par les rares acteurs présents sur le marché ont donc une influence plus forte sur les cours.

D'autant qu'il est possible de mettre en place à l'avance des programmes informatiques qui déclenchent automatiquement des ordres de vente si un seuil sur un indice ou une valeur est dépassé.

Quelles que soient les techniques, elles ne sont pas pour autant totalement autonomes, rappelle un opérateur parisien sous couvert d'anonymat, parce que «les ordinateurs agissent par rapport à un scénario économique mis en place par l'homme».

Pour M. Mourier, «l'exagération est inhérente au mouvement de marché», rappelant que la forte hausse des marchés entre 2002 et 2007 était largement plus accentuée que la croissance de l'économie mondiale sur la même période.

La Bourse, en proie à l'émotion, est donc un reflet déformant à court terme de la réalité. Mais elle n'est pas pour autant déconnectée de l'économie, les cours des actions restant un indicateur de la valeur de l'entreprise.

«C'est une forme de thermomètre, même s'il a tous les défauts du monde», estime Jean-Paul Pierret, directeur de la stratégie chez Dexia Securities.