Depuis la fin de juillet, la peur s'est emparée des marchés. La volatilité est remontée à un niveau extrême, comparable à ce que les investisseurs ont connu lors des attentats du 11 septembre. Ces périodes tumultueuses sont souvent suivies d'impressionnants rebonds. Mais il est un peu tôt pour plonger en Bourse, selon les financiers consultés par La Presse Affaires.

Quelle semaine « rock and roll » sur les marchés financiers ! Une journée en baisse de 6 %, le lendemain en hausse de 5%. Les investisseurs, qui ne savent plus sur quel pied danser, se retrouvent avec un portefeuille d'actions en baisse de 15 à 20% depuis le sommet de 2011.

Avec la décote du crédit américain, les signes de ralentissement de l'économie mondiale et la contagion de la crise des dettes souveraines en Europe, les investisseurs ont perdu le moral.

Ils sont prêts à abandonner les actions pour se réfugier dans les obligations, même si elles offrent un rendement négatif en considérant l'inflation. Au Canada, les obligations de 2 ans ne rapportent plus que 0,8%, et celles de 30 ans offrent moins que 3%.

«Il ne faut pas céder à la panique», dit Benoît Durocher, vice-président exécutif et chef stratège économique chez Addenda Capital. «Oui, les marchés financiers sont très volatiles, mais l'économie réelle ne justifie pas toutes les craintes qu'on voit.»

Ce n'est pas le temps de lancer la serviette. Mais est-ce le temps de plonger en Bourse?

Pas cher, pas cher

Aux États-Unis, les dirigeants d'entreprises profitent déjà de la faiblesse pour racheter des actions. Il faut dire que les ratios cours-bénéfices ont beaucoup reculé: ils oscillent entre 8 et 12 selon les places boursières, nettement sous la moyenne historique d'environ 14.

Bien d'autres mesures indiquent que les actions sont à des prix d'aubaine. Par exemple, le rendement du dividende des actions est supérieur au rendement des obligations gouvernementales (10 ans). Une rareté.

De plus, le rendement des profits des entreprises dépasse 8,5% (il s'agit des bénéfices divisés par le prix des actions, soit l'inverse du ratio cours-bénéfice). C'est 3% au-dessus du rendement des obligations des sociétés de bonne qualité qui offrent environ 5,5%.

«Je n'ai jamais vu ça! En général, le rendement des obligations est supérieur. Mais depuis 2009, c'est l'inverse. Et l'écart est rendu très large», souligne François Landry, premier vice-président et chef des placements à la Financière des professionnels.

Il surveille aussi le différentiel de performance entre les actions et les obligations. Aux États-Unis, les obligations sont en hausse de 5% depuis trois mois, alors que les actions accusent un repli de 15%, pour un différentiel de 20%. Il s'agit normalement d'une zone d'achat. «Lorsque le différentiel atteint 10%, d'un côté ou de l'autre, c'est qu'il est temps de faire un changement de répartition d'actifs», explique M. Landry.

Mais parfois il faut attendre plus longtemps le retour du balancier. Lors de la crise du crédit en 2008, l'écart avait atteint 50% en faveur des obligations. Puis, en 2009, la situation s'était complètement inversée, avec un écart de 50% en faveur des actions.

Même si la Bourse est présentement bon marché, ce n'est pas encore le temps de plonger. « Je préfère attendre que le marché se stabilise. Peut-être qu'on a touché le creux cette semaine, mais les risques sont encore là », dit M. Landry.

Attendre l'éclaircie

«Pour l'instant, je ne veux pas surpondérer les actions», dit aussi Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale. «Oui, il y a un potentiel de remontée, mais il reste quand même des incertitudes politiques importantes.»

Aux États-Unis, quelle sera la volonté du Congrès d'appliquer les recommandations du comité qui se prononcera cet automne sur les mesures de réduction du déficit?

Dans la zone euro, quelle sera la volonté de l'Allemagne de soutenir le plan de stabilisation des pays surendettés ?

Ce n'est pas encore le moment de racheter, estime Vital Proulx, président de la société de gestion Hexavest. « On reste prudent parce qu'on croit que ça va baisser encore de 5 à 10% », dit-il.

Il rappelle que la remontée boursière des derniers mois a été propulsée par la deuxième phase d'assouplissement quantitatif (QE2) aux États-Unis. Mais comme le plan n'a pas fonctionné, la Bourse devrait retourner au point où elle était avant l'annonce du programme, c'est-à-dire environ 10 % plus bas qu'aujourd'hui.

La Réserve fédérale a eu beau imprimer de l'argent, cela n'a pas aidé la population, dit M. Proulx. «Ça n'a pas créé d'emplois. Ça n'a pas aidé l'économie. Ç'a seulement fait monter la Bourse, ce qui profite aux mieux nantis. Et tous ceux qui n'ont pas trouvé d'emplois doivent payer plus cher quand ils vont à l'épicerie ou à la station service.»

Rien pour redonner le moral aux consommateurs que l'on voudrait voir prendre le relais pour repartir la croissance.

Car les gouvernements ont mis fin à leur plan de relance économique. Et non seulement ils ne peuvent pas les remettre en branle, mais plutôt, ils doivent imposer des mesures d'austérité pour réduire leur déficit, ce qui ralentit l'économie.

«Il y a une probabilité importante qu'on soit en récession en 2012», craint M. Proulx.

Selon lui, il faut mieux rester sur la défensive en attendant que les nuages noirs se dispersent.

Par exemple, les investisseurs peuvent être à l'aise dans les pharmaceutiques, les services publics et la consommation de base. Dans l'alimentation, les marges bénéficiaires avaient été comprimées à cause de la hausse du prix des denrées. Si les prix retombent, les sociétés auront une bouffée d'air et leurs profits pourraient s'améliorer.

Dans le contexte d'incertitude politique et de taux d'intérêt anémiques, les actions des sociétés aurifères sont une bonne option, ajoute Stéfane Marion. «Les actions n'avaient pas suivi la hausse du prix de l'or, dit-il. Il y aura un rattrapage, une des mes plus fortes convictions en ce moment.»