Encore une fois, les régimes de retraite à prestations déterminées (RRPD) font les frais de la débâcle boursière et de la stimulation du crédit par les banquiers centraux.

Des pressions s'exercent d'ailleurs déjà sur Québec afin qu'il prolonge les mesures d'assouplissement, consenties aux employeurs en janvier 2009, quant à leurs obligations de renflouement des RRPD.

«Nous voulons rencontrer la ministre Julie Boulet et le responsable de la Régie des rentes du Québec dès la rentrée, confirme à La Presse Norma Kozhaya, économiste principale et directrice de la recherche au Conseil du patronat du Québec. On souhaite que les mesures contenues dans la loi 1 soient prolongées en 2012 et en 2013.»

Adoptée d'urgence en 2009, la loi 1 prévoit qu'un promoteur de RRPD puisse temporairement amortir sur 10 ans, au lieu de 5, tout déficit accumulé au 31 décembre 2008. Elle permet aussi le lissage de la valeur de l'actif, de manière à éponger l'effet de la débâcle boursière de 2008. Ces mesures visaient à ne pas étrangler les entreprises, aux prises avec une récession et des difficultés à emprunter. Elles prennent fin le 31 décembre, cette année.

À compter de 2012, les employeurs auront cinq ans pour amortir le déficit mesuré le 31 décembre 2011, selon la valeur marchande de l'actif des RRPD.

Déjà ce printemps, le CPQ réclamait le prolongement de la loi 1. Il alléguait que les taux obligataires n'avaient pas grimpé autant que prévu, ce qui avait pour effet de ralentir le rétablissement de la solvabilité et d'augmenter les cotisations de renflouement à compter de 2012.

Depuis le 30 juin, la solvabilité se détériore rapidement. Le maître indice de la Bourse de Toronto, le S&P\TSX, a cédé 9,2% tandis que son vis-à-vis américain, le S&P 500, a décroché de 13,6%.

L'indice phare américain était légèrement à la hausse au premier semestre, mais il est bien enfoncé dans le rouge depuis.

De mauvais augure

Tout cela est de bien mauvais augure pour le rendement au troisième trimestre des RRPD. Au deuxième, ils avaient déjà effacé une bonne partie des gains modestes du premier.

Mais il y a pire. Si la valeur de l'actif des RRPD va sans doute diminuer au présent trimestre, celle de leur passif va s'alourdir en raison de la plongée des taux d'intérêt à long terme.

La faiblesse de la reprise américaine et la solvabilité douteuse de la dette de plusieurs pays de la zone euro attirent des capitaux faramineux sur le marché des obligations américaines et, dans une moindre mesure, canadiennes.

L'engagement pris par la Réserve fédérale de maintenir son taux directeur près de zéro pendant encore au moins deux ans incite les investisseurs à choisir des échéances longues. Cette demande accrue infléchit les taux d'intérêt américains et canadiens avec pour conséquence fâcheuse d'alourdir davantage le passif des RRPD.

Ainsi, les taux sur les obligations canadiennes venant à échéance dans 30 ans étaient passés de 3,52% à 3,55% entre le 1er janvier et le 30 juin, une trop faible remontée qui inquiétait déjà le CPQ. Hier, les taux sur les 30 ans sont redescendus à 2,99%.

Une baisse de telle ampleur a pour effet d'augmenter la valeur des engagements d'un RRPD envers les retraités actuels et futurs d'environ 6%.

«La volatilité récente des marchés est un rappel que les RRPD postulent de certains rendements à long terme, souligne Huston Loke, président de l'agence DBRS, dans un courriel à La Presse. Leur absence va frapper les régimes à court terme. Si la situation persiste, il faudra des contributions des entreprises ou trouver d'autres moyens.»

La débâcle présente compromet les conclusions optimistes de la volumineuse étude produite au début du mois par DBRS. Intitulée Pension Plans: The 2012 Phenomenon, l'analyse de 479 RRPD privés fait ressortir que leur santé financière était plus solide que leur niveau de solvabilité le suggère.

Cette relative vitalité est attribuable avant tout aux contributions accrues des employeurs, tandis que la faible solvabilité s'explique «presque entièrement par lestaux d'intérêt les plus faibles depuis plusieurs générations».

Même si le déficit cumulé de ces RRPD s'élevait à quelque 300 milliards, «ils devraient être gérables, compte tenu d'une augmentation de la valeur de l'actif, des contributions accrues et une modeste augmentation des taux d'intérêt», y lit-on.

DBRS misait sur la poursuite de la reprise pour un rétablissement quasi complet des RRPD l'an prochain.

«La faible reprise et l'annonce de la Fed que son taux va rester à près de zéro dans un avenir prévisible suggèrent que l'environnement de faibles taux d'intérêt va persister plus longtemps que nous le prévoyions», conclut M. Loke.