Au début de chaque trimestre, La Presse Affaires demande à quatre stratèges d'expliquer comment ils répartissent une somme initiale de 50 000$, destinée à un REER, parmi les grands véhicules de placement. Ils font ici le point sur le deuxième trimestre, marqué par la résurgence de plusieurs inquiétudes qui s'étaient atténuées en fin d'année. Ils nous précisent aussi ce qu'ils voient pour les mois d'été et ajustent leur répartition, s'il y a lieu.

Durant l'hiver, les investisseurs étaient gonflés d'optimisme: les États-Unis venaient d'adopter un nouveau stimulus fiscal, le programme européen de stabilité financière pour aider les pays de la zone euro à faire face au coût de leur dette paraissait fonctionner et l'embrasement du monde arabe était porteur d'espoir, même s'il poussait les prix du pétrole au-delà des 100$US le baril.

Au printemps, l'embellie s'est d'abord poursuivie, mais la production manufacturière a vite ralenti sous l'effet initial de la rupture de plusieurs chaînes d'approvisionnement en provenance du Japon. Puis, les chiffres de l'emploi aux États-Unis ont déçu, les finances publiques grecques ont de nouveau apeuré les investisseurs, et les pressions inflationnistes persistantes en Chine ont laissé craindre que son cycle de croissance ait de l'âge.

Les investisseurs se sont de nouveau réfugiés dans le marché obligataire, boudant les actions et le marché des biens de base. La plupart des gestionnaires ont dû gommer en bonne partie leurs gains du premier trimestre, ceux qui s'étaient montrés les plus prudents ayant réussi à minimiser les dégâts.

Parmi nos quatre experts, Luc Girard, directeur groupe conseils en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins, a été le plus frappé par ce retournement de situation. Comme au premier trimestre qui lui avait été très profitable, il avait placé 20% de ses billes seulement dans les obligations et boudé l'encaisse.

«Les gens continuent d'avoir peur. Ce qui s'est passé, ce sont des facteurs temporaires coïncidant», plaide-t-il.

Il maintient telle quelle sa répartition, en particulier sa forte pondération en actions canadiennes et des pays émergents, si on la compare à ses trois collègues.

«On s'attend à un ralliement estival à mesure que les mauvaises nouvelles vont s'atténuer», explique-t-il. Il fait valoir que le S&P 500, maître-indice américain, est à son bas de 26 ans en matière de cours-bénéfices, alors que les profits escomptés cette année sont 17% plus élevés qu'en 2010.

Sans partager cet optimisme, Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, choisit néanmoins de diminuer de 5% sa part en revenus fixes au profit des actions américaines et d'Europe-Asie-Extrême-Orient (EAEO) parce qu'il mise sur les États-Unis et l'Europe. «Le recul des prix des biens de base a été dur pour les actions canadiennes, mais elles étaient très chères par rapport aux actions américaines, à la fin du premier trimestre, explique-t-il. Les risques qui pèsent sur les économies émergentes sont sous-évalués. Voilà pourquoi je préfère les marchés développés.»

Les Bourses de Chine, du Brésil et de l'Inde accusent des reculs de 8 à 12% cette année.

Même s'il juge décevante la reprise américaine et inquiétante la dette souveraine européenne, c'est le risque chinois qui le préoccupe le plus. L'inflation grimpe, malgré les actions de la banque centrale. «En Chine non plus, il ne reste plus de munitions. Un ralentissement prononcé là-bas ferait chuter les prix des commodités, mais pourrait stimuler la demande intérieure des économies avancées.»

Il existe des similitudes entre le deuxième trimestre de 2010 et celui de 2011, marqués tous deux par un ralentissement de l'économie américaine et la fragilité de la Grèce, note pour sa part François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Sceptre. «Au troisième trimestre, ça va s'améliorer un petit peu comme en 2010.» Il voit une croissance de 2,5% seulement aux États-Unis, ce qui est bien inférieur à la prévision de la Réserve fédérale. L'économie américaine a toujours besoin de stimulus, ce qui amènera la Fed à ne pas bouger avant l'automne 2012, prédit-il.

Comme la Chine va aussi ralentir, les prix des biens de base vont faiblir aussi. «Ce n'est pas très bon pour les actions canadiennes, signale-t-il. Les actions américaines sont plus diversifiées.»

Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, juge que ce n'est pas le moment de modifier sa répartition. «Lorsqu'on regarde l'environnement actuel, personne ne peut avoir de fortes convictions, clame-t-il. Ce qui distingue le troisième trimestre du deuxième, c'est l'inconnu.»

Les actions canadiennes lui ont fait mal au premier trimestre et la perspective de voir les prix des biens de base faiblir n'est guère rassurante. M. Marion souligne cependant que le risque de change qui gruge les rendements des placements à l'étranger reste présent. «Je me méfie de l'inflation au Canada qui peut forcer la banque centrale à agir» et à stimuler le huard par corollaire.

Devant l'inconnu, il reste légèrement sous-pondéré en obligations au profit des actions. Après tout, le rendement des dividendes sur les actions est de 2%. Si la croissance se maintient, le marché obligataire se corrigera de nouveau.

RENDEMENT POUR LE TRIMESTRE

Liquidités: 0,2305 %

Obligations: 2,4776 %

S&P/ TSX: -5,15%

S&P 500: -0,69%

Indice EAFE: 1,033 %

Marchés émergents: -1,822 %