L'annulation surprise du projet de mariage entre la Bourse de Londres et celle de Toronto met la place britannique à la merci d'une tentative de rachat hostile, dans un secteur boursier pris dans un tourbillon de fusions-acquisitions, estimaient jeudi les analystes.

Dès le lendemain de l'annonce du blocage par les actionnaires de la Bourse de Toronto (groupe TMX) de son rachat par le groupe boursier britannique London Stock Exchange (LSE), gestionnaire des Bourses de Londres et de Milan, les spéculations sont reparties de plus belle sur l'avenir de ce dernier.

Le cours du LSE s'est aussitôt mis à grimper, finissant la séance de jeudi sur un gain de près de 11% à 1.061 pence.

Motif de cet emballement : le groupe américain Nasdaq OMX pourrait tenter désormais de s'attaquer au groupe britannique.

«Les investisseurs spéculent que le London Stock Exchange pourrait devenir la proie de Nasdaq OMX. Ce ne serait pas la première fois qu'il tenterait de s'en emparer, après avoir échoué par deux fois en 2006 et 2007», a expliqué Giles Watt, courtier chez City Index.

Le Nasdaq pourrait ainsi répliquer à l'union programmée entre ses deux principaux rivaux, le groupe allemand Deutsche Börse (Bourse de Francfort, Clearstream...) et le groupe transtlantique Nyse Euronext (qui gère entre autres les Bourses de New York et Paris), sur lequel il a tenté vainement de surenchérir.

La situation n'est pas sans rappeler la dernière décennie, lorsque la vénérable place britannique, dirigée alors par Clara Furse, avait repoussé une série de propositions de rachat émanant d'Euronext, Deutsche Börse, la banque australienne Macquarie, et le Nasdaq par deux fois.

Clara Furse avait défendu haut et fort l'indépendance du LSE, repoussant tour à tour ces prétendants successifs, et avait préféré négocier un rachat à l'amiable de Borsa Italiana, l'opérateur de la Bourse de Milan.

Mais cela a laissé la Bourse de Londres relativement isolée et à la traîne face à la concurrence exacerbée des Bourses alternatives apparues en Europe depuis 2007 (Chi-X, Turquoise, BATS...).

Dès son arrivée à la tête du LSE en 2009, le français Xavier Rolet a cherché à reprendre l'initiative, en lançant aussitôt des acquisitions ciblées : il a racheté la start-up MilleniumIT, pour muscler technologiquement les plateformes d'échanges du LSE, puis Turquoise.

L'échec de l'alliance TMX, qui devait placer la Bourse de Londres au sein d'un groupe d'envergure mondiale dominant la cotation d'entreprises minières, laisse la Bourse de Londres, d'une valeur boursière égale à celle du Nasdaq (environ 3 milliards d'euros), à nouveau dans une position défensive.

«L'échec du groupe à s'allier avec l'opérateur boursier canadien, dans une phase d'intense concurrence et de concentration du secteur, le rend vulnérable, et le LSE est désormais prêt à être visé lui-même par une OPA», a ajouté Giles Watt.

«Il y a de bonnes chances que le Nasdaq opère une approche» sur le LSE, a abondé Arnaud Giblat, analyste chez UBS, calculant que le marché américain pourrait offrir jusqu'à 1.150 pence par action du LSE, soit une prime de 8,5% par rapport au cours actuel, de quoi «constituer un épilogue acceptable pour les actionnaires du LSE».