Le projet de mainmise de la Bourse de Londres sur la société TMX, qui gère les Bourses de Toronto et de Montréal, est trop risqué pour l'économie et les secteurs financiers du Canada et du Québec.

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Selon Luc Bertrand, du consortium financier Maple qui a déposé une offre concurrente, céder le groupe TMX à Londres reviendrait à sacrifier l'occasion de faire progresser un «champion canadien» qui pourrait s'attaquer au marché international des services boursiers.

«TMX est très performant pour les économies canadienne et québécoise. Pourquoi le céder à la Bourse de Londres sur un plateau d'argent, avec rien en retour sauf des promesses?», a indiqué M. Bertrand hier devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

M. Bertrand est aussi vice-président du conseil de la Banque Nationale et ex-PDG de la Bourse de Montréal. Il était invité à répliquer aux propos tenus à la même tribune, il y a une semaine, par le président de la Bourse de Londres, Xavier Rolet, et son homologue chez TMX, Thomas Kloet.

M. Rolet avait décrit l'offre concurrente de Maple sur TMX comme un «repli sur soi» du marché canadien, alors que les marchés financiers s'internationalisent.

En réplique, hier, Luc Bertrand a souligné qu'il était important de garder TMX sous contrôle canadien afin, notamment, que ses Bourses servent le mieux possible les ambitions des entreprises d'ici vers les marchés internationaux.

«Si la direction de TMX passe à Londres, que se passerait-il au moment d'une prochaine crise financière et économique? Les intérêts de Londres et du Royaume-Uni passeraient sûrement avant ceux du Canada et du Québec», a suggéré M. Bertrand.

Pour des «assises fortes» au Canada

Il a cité l'essor international d'entreprises d'ici comme Bombardier, Saputo et CGI comme un exemple pour TMX, en particulier pour la Bourse de Montréal et sa spécialisation en produits dérivés.

«Nous n'avons pas peur de l'international chez Maple. Au contraire, ce qu'on dit, c'est de continuer à bâtir TMX avec des assises fortes au Canada et, avec ça, aller se battre ensuite sur les marchés mondiaux», a indiqué M. Bertrand lors d'un point de presse.

«Regardez Bombardier. Elle est devenue numéro trois mondial en aéronautique, comme ces jours-ci au Salon de Paris (Bourget). Pourtant, il y a plusieurs années, alors que j'étais courtier, combien de fois ai-je entendu que Bombardier devait se vendre à une grande entreprise étrangère en aéronautique parce qu'elle n'y parviendrait jamais par elle-même?»

Selon M. Bertrand, un scénario semblable est possible pour TMX.

«Ce qu'on propose chez Maple, c'est de se retrousser les manches et de continuer de faire progresser une société boursière qui émergera à l'international en force plutôt qu'en faiblesse avec la Bourse de Londres.»

Le groupe Maple est composé de 13 des plus grandes institutions financières du Canada et du Québec. Elles ont préparé une offre d'achat de 3,7 milliards pour TMX afin de dissuader ses actionnaires d'accepter le projet de fusion avec Londres, évalué quant à lui à 3,5 milliards en échange d'actions.

Du Québec, Maple comprend la Banque Nationale, la Caisse de dépôt et placement, le Fonds de solidarité ainsi que le Mouvement Desjardins.

«Quand un tel groupe se réunit, on sait comment les intérêts du Québec seraient mieux servis. Il y a une belle convergence, là», a dit Bernard Landry, ex-premier ministre et ex-ministre des Finances du Québec, qui était à la table d'honneur de la chambre de commerce.

Pour sa part, le président de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, a lié son adhésion à Maple aux intérêts financiers de Montréal.

«L'offre de Maple est meilleure pour Montréal parce que dans le monde actuel, la chose la plus importante est la croissance. Et avec Maple, on pourrait positionner TMX et l'expertise de la Bourse de Montréal dans les dérivés à l'échelle internationale», a-t-il dit en point de presse.

N'empêche, le temps presse pour Maple s'il veut convaincre assez d'actionnaires de TMX (au moins le tiers) de voter contre l'affiliation avec Londres, au cours d'une assemblée extraordinaire le 30 juin à Toronto.

Selon les normes boursières, un tel projet doit obtenir l'accord des deux tiers (66%) des actionnaires.

Hier, Luc Bertrand de Maple s'est dit persuadé de faire échouer ce vote.

«Nos chances sont très bonnes pour le 30 juin. Je suis très confiant après des rencontres avec plusieurs actionnaires de TMX parce qu'un nombre croissant comprennent que l'offre de Maple est supérieure à court terme, mais aussi en valorisation à long terme.»