La proposition d'achat de la société TMX par un consortium financier canadien, au lieu d'un regroupement avec la Bourse de Londres, ne risque pas de marginaliser les Bourses de Toronto et de Montréal à l'échelle internationale.

> Suivez Martin Vallières sur Twitter

Les critiques à cet égard sont exagérées, sinon erronées, soutient Luc Bertrand, ex-président de la Bourse de Montréal, coordonnateur du consortium Maple Acquisition et vice-président du conseil de la Banque Nationale.

La Nationale fait partie du groupe de quatre banques et de cinq grandes caisses de retraite qui veulent garder TMX en mains canadiennes. Ce groupe a réuni 3,6 milliards de dollars dans une offre concurrente à l'entente déjà négociée entre TMX et Londres.

«Rien n'empêche le groupe Maple et TMX de créer plus tard des liens internationaux avec des institutions boursières, selon les besoins du moment», a soutenu Luc Bertrand lors d'un entretien avec La Presse Affaires, hier.

Par ailleurs, à la lumière de son expérience comme ex- président de la Bourse de Montréal, M. Bertrand considère comme totalement «surestimés» les avantages attribués aux regroupements internationaux de sociétés boursières.

«Ça peut paraître agréable d'avoir ces liens d'entreprises à l'international. Mais en fait, c'est une grosse gageure envers des ambitions qui ne se sont pas avérées dans la plupart des cas», a-t-il dit.

«Jusqu'à maintenant, les seules fusions de Bourses qui ont bien fonctionné sont celles qui ont été faites dans un même contexte réglementaire national, aux États-Unis notamment. Dans les autres cas, les barrières réglementaires entre les pays sont telles que les Bourses qui se regroupent à l'international ont ensuite énormément de difficultés à rationaliser leurs opérations», a ajouté celui qui présidait la Bourse de Montréal au moment de son achat par la Bourse de Toronto, il y a quatre ans.

«Prenez le cas de la Bourse de New York (NYSE) avec Euronext, qui a des Bourses dans différents pays. Si ce regroupement avait été un succès, pourquoi NYSE-Euronext se retrouve-t-elle maintenant la cible d'une d'offre à escompte par Deutsche Borse, d'Allemagne?»

«Dans ce contexte, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre que la Bourse de Londres viendrait s'installer au Canada (en acquérant TMX) et que, tout à coup, cela provoquerait une croissance extraordinaire de la liquidité de marché pour les actions d'entreprises canadiennes», a indiqué M. Bertrand.

«La réalité, c'est que TMX fonctionne dans un contexte nord-américain. Et son principal défi, c'est de contrecarrer la migration de volume de titres canadiens vers les Bourses américaines.»

Bourse canadienne

Dans le cas de TMX, a souligné M. Bertrand, «on a une Bourse canadienne qui a émergé par elle-même de manière remarquable dans le marché mondial des titres liés aux ressources naturelles».

Et à la Bourse de Montréal, «il y a notamment tout un savoir-faire en systèmes de transactions de produits dérivés qui a aussi émergé à l'échelle internationale».

Selon le principal coordonnateur du consortium Maple, c'est le type d'atouts qui peuvent être développés encore davantage par TMX tout en demeurant «pour de bon» sous propriété et contrôle canadiens.

Aussi, Maple souhaite renforcer le potentiel d'affaires de TMX en y fusionnant la Bourse alternative Alpha et la firme CDS, chargée de la compensation des transactions boursières canadiennes. Les deux sont actuellement contrôlées par l'ensemble des grandes banques canadiennes et le Mouvement Desjardins.

Le consortium Maple, qui s'est révélé publiquement le week-end dernier, est composé des filiales boursières des banques Nationale, CIBC, TD et Scotia.

Il comprend aussi cinq fonds de retraite, dont la Caisse de dépôt et placement, le Fonds de solidarité FTQ et le fonds Teachers' de l'Ontario.

Selon la proposition de Maple, aucun des actionnaires ne posséderait plus de 10% des actions de TMX. Le public investisseur en Bourse détiendrait 40% du capital-actions.

Par ailleurs, Maple entend conserver la part de 25% des sièges du conseil d'administration de TMX qui revient à des résidants du Québec. Il s'agit d'une condition héritée de l'achat de la Bourse de Montréal en 2008.

-------------------

LES DEUX OFFRES EN BREF

La proposition de Maple Acquisition

- Prix offert: 3,6 milliards, ou 48$ par action, dont la plus grande partie en comptant.

- Les partenaires: la Banque Nationale, la CIBC, la Banque TD, la Banque Scotia ainsi que cinq fonds de retraite, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ.

- Les avantages: aucun des actionnaires ne posséderait plus de 10% des actions de TMX. Les banques s'engagent à conserver leur participation pendant au moins cinq ans. Le public investisseur détiendrait 40% de l'entreprise.

La proposition de la Bourse de Londres (LSE)

- Le prix offert: environ 3 milliards, ou 40$ par action, par échange d'actions.

- Les actionnaires de LSE: des investisseurs de Dubaï (41%), du Qatar (30%) et plusieurs investisseurs institutionnels. Après la fusion, LSE détiendrait 55% de la nouvelle société et TMX, 45%.

- Les avantages: la fusion des deux groupes créerait la plus grande Bourse du monde (nombre d'inscriptions de sociétés), ce qui lui conférerait des avantages sur les plans des coûts et de l'efficacité.

----------------

QU'EN PENSENT LES ANALYSTES

La table est mise entre deux concepts: une solution canadienne et une solution transatlantique qui vise la formation d'une Bourse internationale, plus diversifiée et qui permet des économies d'échelle. En tenant compte du fait que les dirigeants du TMX voudront fusionner les activités avec la Bourse de Londres, ils devront obtenir l'approbation des autorités, ce qui devient plus difficile avec une solution de rechange canadienne. Ils devront aussi diminuer l'écart de valeur entre les deux offres.

- Edward Ditmire, Macquarie Research

Le débat devrait s'articuler autour de la qualité des propositions l'une par rapport à l'autre et aux probabilités des offres d'obtenir l'approbation des autorités. Gardez en tête que les autorités australiennes ont récemment rejeté la proposition de fusion entre la Bourse d'Australie et la Bourse de Singapour.

- Daniel Harris, Goldman Sachs

La prudence est de mise, car il semble que la contre-proposition ne soit pas encore une offre formelle. Les perspectives de croissance vont déterminer laquelle des propositions est supérieure. La contre-proposition comporte un nombre significatif de conditions, y compris l'approbation des autorités pour une combinaison du TMX avec Alpha et CDS, et ne précise pas comment les conditions seront satisfaites.

Stephen Boland, GMP Securities