Plutôt que d'inquiéter les financiers et les entrepreneurs d'ici, le projet de fusion boursière entre Londres et Toronto/Montréal devrait les intéresser pour son potentiel d'un meilleur accès au marché mondial des capitaux, estime Xavier Rolet, chef de la direction de la société LSEG, qui gère la Bourse de Londres.

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En particulier pour la Bourse de Montréal, dont la compétence en produits dérivés lui vaudra la direction de toute cette activité dans la future société boursière fusionnée, qui comptera quatre Bourses de dérivés en Europe et en Amérique du nord. «Avec la mondialisation qui s'accentue, ce regroupement boursier représente une occasion de développement unique pour la Bourse de Montréal», a souligné M. Rolet lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Le chef de la direction de LSEG était à Montréal hier pour discuter du projet de regroupement boursier annoncé au début février, et qui a suscité maintes critiques depuis.

«Jusqu'à maintenant, la Bourse de Montréal a crû grâce à sa performance et à la croissance du marché canadien des produits dérivés. Mais après une fusion entre TMX et LSEG, par exemple, elle aurait accès aux milliers d'indices répertoriés dans la division FTSE à la Bourse de Londres afin de développer des produits dérivés d'indices de partout dans le monde, qu'elle pourrait commercialiser en exclusivité en Amérique du Nord «, a expliqué M. Rolet.

«Parmi les Bourses de produits dérivés, ce n'est pas le volume qui est le plus important, mais bien leur capacité d'innover et de développer des produits exclusifs. Pour la Bourse de Montréal, une fusion entre TMX et LSEG apporterait une responsabilité additionnelle de gestion, mais aussi un grand potentiel de développement.»

Du même souffle, selon M. Rolet, la division technologique de la Bourse de Montréal accèderait à une meilleure commercialisation internationale déjà établie chez LSEG, et qui fait défaut chez la torontoise TMX.

Cette division technologique est centrée sur le système transactionnel SOLA, développé à Montréal et vendu à quelques Bourses étrangères, dont les deux filiales de dérivés de LSEG à Londres et en Italie.

«Cet achat de SOLA nous a introduits auprès des dirigeants de TMX, ce qui a mené au projet de fusion de nos sociétés boursières», a révélé hier Xavier Rolet.

Après ce regroupement, la technologie SOLA deviendrait le produit phare de la division technologique de LSEG pour le marché des Bourses de produits dérivés.

Selon M. Rolet, le marché des technologiques boursières - qu'il évalue à 1 milliard de dollars par an - est en pleine croissance, en particulier dans les économies émergentes.

De plus, a-t-il souligné, ce marché cherche des fournisseurs alternatifs au «véritable duopole» dont profitent les divisions technologiques des groupes boursiers Nasdaq et NYSE (Bourse de New York).

PME québécoises

Par ailleurs, Xavier Rolet estime que les PME d'ici qui s'inquiètent de leur place dans un futur géant boursier transatlantique négligent le «succès remarquable» des sociétés TMX et LSEG pour attirer les petites capitalisations. Pour appuyer ses dires, il montre le document qu'il présente ces jours-ci à ses interlocuteurs québécois, et où les Bourses TSX-Croissance au Canada et AIM de Londres sont décrites en tête de liste mondiale pour le nombre de PME cotées.

«Les sociétés TMX et LSEG partagent une même passion pour attirer les PME vers leurs marchés des capitaux», selon le chef de la direction de LSEG.

«Elles ne font pas ça pour améliorer leurs résultats d'exploitation à court terme, mais parce que c'est essentiel pour leur avenir et pour leurs économies nationales respectives.»

Cela dit, Xavier Rolet dit «comprendre qu'il y a ait des réserves « parmi les PME canadiennes et québécoises envers le projet de regroupement boursier. D'autant, admet-il, que les communications de TMX et LSEG à leur égard n'ont «pas été aussi claires qu'elles auraient pu l'être» jusqu'à présent.

«Avec notre projet de regroupement de sociétés boursières, nous ne voulons pas changer le cadre boursier ou réglementaire envers les PME et les autres entreprises canadiennes. Les Bourses comme TSX-Croissance continueront leurs activités actuelles, sous la supervision des mêmes autorités», insiste Xavier Rolet.

«Ce que nous proposons avec ce regroupement boursier, par exemple, c'est de pouvoir faciliter l'ambition des PME canadiennes qui veulent diversifier leur actionnariat et attirer des investisseurs européens, en passant par Londres.»

N'empêche. Avant de réaliser ces ambitions, Xavier Rolet et ses vis-à-vis chez TMX à Toronto et à Montréal auront encore beaucoup à faire auprès des autorités financières et politiques d'Ottawa, de l'Ontario et du Québec.