Meyer Shields estime que les bénéfices de Berkshire Hathaway Inc., la société de Warren Buffett, connaîtront cette année leur plus forte croissance depuis 2006. Et pourtant, il recommande aux investisseurs de vendre les actions de cette entreprise parce que la reprise économique ralentit.

Analyste de Stifel Nicolaus&Co., M. Shields n'est pas le seul à adopter une telle attitude. En effet, pour la première fois depuis au moins 1997, moins de 29% des actions de sociétés couvertes par les firmes de courtage dans le monde attirent une recommandation d'»achat», selon 159 919 recommandations compilées par Bloomberg. C'est que les analystes se font plus pessimistes bien qu'ils prévoient un bond de 36% des bénéfices des sociétés qui forment l'indice Standard&Poor's 500, un sommet depuis 1988.

«Les gens ne savent plus sur quel pied danser», soutient Paul Zemsky, chef de la division de l'affectation des actifs à New York de la firme ING Investment Management, qui gère 550 milliards$US. «Lorsque je parle à nos analystes en matière d'actions, explique-t-il, ils examinent les entreprises et disent: «Hé, ces sociétés semblent vraiment intéressantes, leurs bénéfices sont corrects, elles ont plein de liquidités. Mais qu'arrivera-t-il s'il y a une récession à double creux»?»

Des annonces contradictoires à deux minutes d'intervalle la semaine dernière par Intel Corp. et Ben S. Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), illustrent les difficultés auxquelles doivent faire face les analystes et les investisseurs même si les actions s'échangent à un prix plus bas qu'à presque n'importe quel moment dans les annales par rapport aux bénéfices prévus. Pendant qu'Intel annonçait qu'il revoyait à la baisse ses prévisions de revenus pour le troisième trimestre en raison d'une demande des consommateurs plus faible que prévu, M. Bernanke assurait que la banque centrale américaine «allait faire tout ce qu'elle peut» pour protéger la reprise économique.

À «conserver»

Plus de 54% des recommandations touchant les actions de sociétés aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et au Brésil conseillent de les «conserver», soit la proportion la plus forte depuis que Bloomberg a commencé à recueillir ces données en 1997.

«Historiquement, une recommandation «neutre» signifie un conseil de «vendre»», soutient Kevin Rendino, gestionnaire de patrimoine chez BlackRock Inc., de New York, qui gère des actifs de 3,2 mille milliards US.

Pendant que le pessimisme gagne des adeptes, les analystes prévoient que les profits des sociétés formant l'indice mondial MSCI de 24 pays développés augmenteront de 28% au cours de la prochaine année. L'indice MSCI se transige à 11,5 fois les bénéfices prévus, selon des données compilées par Bloomberg. Sauf pour la période de six mois ayant commencé en octobre 2008, cet indice ne s'est jamais transigé à moins de 12,5 fois les bénéfices divulgués.

«Il y a de la spéculation malheureuse sur le marché», estime Mike Ryan, directeur de la recherche sur la gestion de patrimoine pour les Amériques de UBS Financial Services Inc., qui gère des actifs de 641 milliards US. «Les gens interprètent chaque donnée pour valider ou pour renier leur opinion», indique-t-il.

L'indice Standard&Poor's 500, baromètre des actions des sociétés américaines, est en baisse de 4,5% en 2010 après que la crise de la dette en Europe eut effacé une progression qui avait atteint 9,2%.