Le gouvernement chinois a promis en fin de semaine de laisser le yuan évoluer plus librement, signe que la monnaie chinoise allait être désarrimée du dollar américain et devrait recommencer à s'apprécier. Une bonne nouvelle pour l'économie mondiale, disent les experts, mais qui prendra du temps à se faire sentir.

L'annonce que la Chine allait lâcher du lest quant à sa politique monétaire avait égayé la fin de semaine du monde économique, et c'est sans surprise que les marchés ont démarré la journée en fanfare hier. Mais l'enthousiasme a vite laissé place aux interrogations au fil de la séance, si bien que les principales places boursières sont revenues à la case départ.

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Le Dow Jones, qui a ouvert en hausse de plus de 1%, a finalement perdu un peu moins de 0,1%, à 10 442 points. Le S&P/TSX restait lui aussi à peu près stable, à 11 936 points, tandis que le S&P 500 a perdu 0,4%, à 1113 points.

En début de journée, les marchés étaient encouragés par les nouvelles rapportées de Chine deux jours plus tôt. Les autorités de Pékin, qui maintiennent leur yuan à un niveau fixe par rapport au dollar américain depuis bientôt deux ans, ont annoncé qu'ils comptaient assouplir leur politique de taux de change.

Cela a toutes les chances de provoquer une appréciation graduelle du yuan face au dollar américain. Plusieurs analystes y voient une condition essentielle au rééquilibrage de l'économie mondiale.

«C'est un soulagement pour les marchés, note Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Financière Banque Nationale. Ça désamorce aussi la menace de protectionnisme qui planait aux États-Unis.»

Selon Gabriel Lancry, gestionnaire de portefeuille associé et conseiller principal en gestion de patrimoine chez ScotiaMcLeod, le marché perçoit cette décision chinoise comme une protection contre un scénario de «reprise en W», selon lequel l'économie allait subir une nouvelle rechute.

Des doutes

Le yuan a grimpé de 0,4% hier par rapport au billet vert. Étant donné que l'économie chinoise est en pleine expansion, Stéfane Marion, de la Banque Nationale, s'attend à une hausse de 5 à 10% d'ici la fin de l'année.

Mais le marché a des attentes bien plus modestes: 1,3% d'ici la fin 2010, et 3,8% d'ici la fin 2011.

«Je ne pense pas que la décision chinoise soit un signe que la devise va s'apprécier significativement», soutient Marc Dalpé, gestionnaire de portefeuille au Groupe Dalpé-Milette chez Valeurs mobilières Desjardins. «Il y a autant de marketing que de financier dans cette action», dit-il en évoquant l'imminence du sommet du G20. En ce sens, M. Dalpé a trouvé exagérée la réaction initiale du marché.

D'autres analystes ont aussi exprimé des doutes sur l'impact réel de la mesure chinoise. Et le marché aussi, à en juger par la retraite des indices boursiers en après-midi.

«On était monté en réaction aux annonces de la Chine, mais les gens ont ensuite cherché à savoir quelles en seraient les implications», a expliqué Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management, à l'agence AFP. «C'est un engagement à laisser le yuan évoluer, mais on ne sait pas quand, dans quelle proportion... ce n'est peut-être que de la communication, sans réel effet. On n'en sait rien».

L'appréciation du yuan pourrait diminuer la compétitivité des fabricants chinois, au profit des fabricants occidentaux. Mais elle augmenterait en même temps les coûts d'approvisionnement des importateurs de produits chinois. Les détaillants Target et Home Depot ont d'ailleurs lâché 1,5 et 1,6% hier à la Bourse de New York.

À tout le moins, le geste chinois «témoigne que l'économie chinoise est suffisamment solide pour croître sur la base de la demande intérieure, et pas seulement la demande extérieure», souligne Jean-Sébastien Garant, vice-président de Sigma Alpha Capital. «Si c'est le cas, c'est très positif pour les pays producteurs de matières premières.»

Les principaux titres du secteur des métaux de base étaient d'ailleurs à la hausse hier à Toronto. Aux États-Unis, Alcoa a gagné 5,5%, à 11,72$US.

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TROIS TITRES À SUIVRE

Si le changement à la politique monétaire chinoise se traduit par une appréciation significative du yuan, le pouvoir d'achat de l'empire du Milieu s'en trouvera augmenté. Or, «les Chinois sont la manufacture du monde et de grands consommateurs de matériaux et de métaux», note Gabriel Lancry, gestionnaire de portefeuille associé chez ScotiaMcLeod. Dans cet esprit, M. Lancry présente trois sociétés qui pourraient en tirer profit.

Inmet Mining Corporation [[|ticker sym='T.INM'|]]

Clôture et variation 48,79$ (4,81%)

Producteur de cuivre, de zinc et d'or avec des mines en exploitation au Canada, en Turquie, en Finlande et en Espagne.

First Quantum Minerals [[|ticker sym='T.FM'|]]

Clôture et variation 64,59$ (4,36%)

Producteur de cuivre et d'or présent en Finlande, dans trois pays d'Afrique et en Australie.

Teck Resources [[|ticker sym='T.TCK.B'|]]

Clôture et variation 36,67$ (3,62%)

Producteur de cuivre, de zinc et de charbon avec des activités réparties dans les Amériques.

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LA CHINE EN CHIFFRES

Monnaie

Yuan

Produit intérieur brut (parité du pouvoir d'achat)

8789 milliards US (est. 2009),

Croissance prévue du PIB en 2010

9,5% (selon le gouvernement chinois)

Principales industries

Fer, acier, aluminium et autres métaux, charbon, construction de machines, armement, textiles, pétrole, ciment, produits chimiques, engrais, produits de consommation, matériel de transport

Population

1,3 milliard

Force ouvrière

812 millions

Exportations

1500 milliards US (2009)

Importations

1230 milliards US (2009)

Sources: Banque mondiale, OCDE, CIA