Quand l'essence bondit de 10 cents le litre, comme ce fut le cas mercredi, on entend invariablement les automobilistes maugréer en faisant le plein. Maudits soient les spéculateurs !

Universellement détestés, ils n'ont pas de visage. Jusqu'à ce qu'on en rencontre un. Un Québécois dans la trentaine qui travaille à New York. Un gars sympa, enthousiaste et convaincu que, s'il ne travaille pas pour une ONG en Haïti, il fait oeuvre utile en spéculant des millions sur le pétrole à longueur de journée. À un point tel qu'il lui arrive d'oublier que le pétrole est un produit physique !

Ne me demandez pas son nom, même l'institution financière pour laquelle il travaille ne publicise pas le fait qu'elle négocie des matières premières à même ses capitaux propres, une pratique risquée dans la mire de Washington. «Ils tiennent cela mort», dit Charles (nom fictif).

Voici son argumentaire.

«Les gens ne comprennent pas le marché du pétrole. Quand son prix bondit, c'est le plus souvent une anomalie du marché, explique-t-il.

«Les gens font beaucoup de dissonance cognitive. Quand le prix du pétrole augmente, c'est la faute des spéculateurs. Mais quand il baisse, il a juste baissé!

«Si les spéculateurs étaient capables de maintenir les prix élevés, ils le feraient. Mais c'est un marché où il y a beaucoup d'intervenants : les producteurs, les raffineurs, etc.

«Il y a beaucoup de mauvaise foi. Les gens ne sont pas capables d'assumer que ce sont eux qui sont responsables du prix du pétrole, un symptôme de la surconsommation et du gaspillage d'énergie.»

Le spéculateur fournit de la liquidité au marché et permet de découvrir le prix le plus juste en réduisant l'écart entre le prix demandé et offert. Il permet aussi au marché de s'adapter aux fluctuations à venir avant de subir un choc, fait valoir Charles.

«Oui, cela arrive qu'il y ait des bulles spéculatives et que le marché se brise, mais cela fait partie de la game.»