L'Espagne et, dans une moindre mesure, la Chine... Les investisseurs qui cherchent des mauvaises nouvelles pour sortir du marché boursier ont deux continents où trouver des arguments justifiant leurs ventes. Et hier, ils l'ont fait en masse.

D'abord, le gros morceau: l'Espagne. Partout, économistes et financiers n'en avaient hier que pour le pays de Don Quichotte. Le premier ministre espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a eu beau qualifié de «pure folie» les informations voulant que son pays s'apprête lui aussi à demander de l'aide au FMI, le mal était fait.

«Les craintes, évidemment, c'est que les inquiétudes par rapport au crédit s'étendent à l'Espagne et au Portugal. En particulier l'Espagne, précise Sal Guateri, économiste principal à la BMO, parce que sa dette est beaucoup plus importante.»

Les pires (et fausses) rumeurs de décote de la dette espagnole ont circulé, en partie alimentées par une députée allemande, qui a parlé d'une «insolvabilité ordonnée» de pays européens. La députée en question, Volker Kauder, est la leader parlementaire du parti de la chancelière Angela Merkel.

Même Joseph Stiglitz, Nobel d'économie, a évoqué la fin possible de la zone euro, avec des propos qui n'avaient rien de rassurant pour l'Espagne. «Quand on aura vu à quel point il a été difficile à l'Europe d'adopter une position commune pour aider un des plus petits pays (la Grèce), on réalisera que si un pays un peu plus grand a des difficultés, il est probable que l'Europe aura encore plus de mal» à se mettre d'accord, a-t-il dit à la BBC.

La répercussion a été brutale en Bourse. Les places européennes ont perdu en général entre 2% et 3%. Celle de Madrid a même dégringolé de 5,4% et, à Athènes, c'était un plongeon de 6,7%. L'Amérique a suivi la voie, Toronto s'en tirant mieux que les autres.

L'euro est repassé sous le 1,30$US d'équivalence pour la première fois depuis plus d'un an. Le dollar canadien a aussi perdu 1,39 cent, à 97,56 cents US, face à un dollar US gonflé par l'incertitude ambiante.

En Europe, les grands perdants de la journée ont été les titres financiers. «Il y beaucoup de bons du Trésor grecs, espagnols, portugais qui sont détenus par ces banques», explique Stéfane Marion, économiste en chef de la Banque Nationale.

Son analyse devient particulièrement intéressante quand il explique le rôle que jouent les banques européennes dans le crédit aux entreprises. Une place beaucoup plus importante que leurs consoeurs américaines ont de ce côté-ci de l'Atlantique.

«C'est l'incertitude sur le secteur bancaire européen qui fait en sorte d'affecter l'activité de prêts, donc, les perspectives (de croissance) dans la zone euro.»

Il insiste quand même sur la «croissance très robuste» de deux autres régions du monde: les États-Unis et les marchés émergents. «La bonne chose, c'est que ça (les risques de contagion en Europe) n'a pas encore été exporté au niveau nord-américain.»

Tout tombe

À Toronto, tous les sous-indices ont reculé. Parmi les titres qui ont le plus reculé, notons Questerre Energy (-8,5%), le fonds de revenu Noranda (-8%) et Tembec (-6,9%). Goldcorp a profité de cette incertitude, prenant 5,3%, à 6,00$.

Outre l'Europe, les investisseurs ont réagi à une donnée venant de Chine. Le secteur manufacturier a ralenti. Le gouvernement chinois tente depuis six mois de réduire la croissance pour limiter l'inflation.

Tout aussi déprimant pour des minières: l'Australie a décidé d'augmenter les taxes des BHP et Xstrata de ce monde. Les chances de consolidation dans l'industrie sont ainsi moindres, a estimé un analyste.

Et puis, il y avait quelques bonnes nouvelles du côté américain.

Les commandes aux usines ont augmenté de 1,3% en mars. Il y a aussi les promesses d'achat pour des maisons existantes qui étaient en hausse de 5,3%.

Mais vous aurez compris: les investisseurs avaient la tête ailleurs.

RENDEMENT DES BOURSES HIER*

Dow Jones (New York) -2%

S&P 500 (New York) -2,4%

S&P/TSX (Toronto) -1,4%

Bovespa (São Paulo) -3,4%

FTSE 100 (Londres) -2,6%

CAC 40 (Paris) -3,6%

Dax (Francfort) -2,6%

Nikkei 225 (Tokyo) +1,2%

Hang Seng (Hong-Kong) -0,2%

Shanghai Composite -1,2%

*En devises locales