Les années vertueuses où le Canada et ses provinces parvenaient à boucler leurs budgets sans déficits avaient créé une certaine rareté de titres obligataires de haute qualité recherchés par les investisseurs.

Des émetteurs étrangers ont flairé l'opportunité de venir se financer sur le marché canadien. Ainsi sont nées au début du siècle les obligations étrangères libellées en dollars canadiens, surnommées Maple sur les marchés.

Jusqu'à l'éclatement de la crise financière, elles ont vite gagné en popularité. De 3,8 milliards environ en 2004, la valeur des émissions avait grimpé à plus de 25,5 milliards en 2007. En 2008, le marché s'est effondré. Cette année, il n'y a aucune émission encore en vue sur le radar.

«C'est pas demain la veille qu'on va voir revenir les Maple, assure Gaétan Dupuis, vice-président et gestionnaire de portefeuille principal, revenus fixes chez Fiera Capital. Elles ont laissé un goût amer.»

Capital resté abondant

Le marché obligataire canadien est peu liquide, si on le compare à l'américain. La valeur et le nombre des nouvelles émissions étaient très modestes quand les finances publiques sont passées du rouge au vert. Toutes proportions gardées, le capital est pourtant resté abondant.

Quand Ottawa a levé la limite de contenu étranger dans les régimes de retraite, il a ouvert la porte aux émetteurs étrangers, accueillis à bras ouverts par les investisseurs institutionnels, en mal de diversification.

Des sociétés financières comme Royal Bank of Scotland (RBS), Morgan Stanley, Lehman Brothers, qui ont abusé de l'effet de levier, sont venues emprunter plusieurs centaines de millions chacune au Canada.

Plusieurs investisseurs se sont laissé attirer par des rendements comparables à ceux d'une obligation du Québec, par exemple. Ils croyaient la partie belle en mettant la main sur des titres cotés AAA comme Deutsche Bank alors que la cote du Québec est seulement de A+.

Aujourd'hui, rappelle M. Dupuis, ces titres ne sont pas liquides. Plusieurs obligations, comme Lehman qui a fait faillite, RBS qui a dû être nationalisée par Londres, Morgan Stanley qui a perdu son statut de banque d'affaires pour ne pas sombrer, Bank of America qui a eu toutes les peines à avaler Merryll Lynch, ont même perdu de 30% à 40% de leur valeur nominale.

«Aujourd'hui, les investisseurs sont bien mieux d'acheter les obligations municipales, poursuit M. Dupuis. Il n'y a pas encore de ville qui a déclaré faillite.»

Ceux qui n'apprécient pas ces titres pourront magasiner les obligations d'Ottawa ou des provinces qui devront se remettre à emprunter pour boucler leur budget. Pour les particuliers, c'est une bonne affaire: l'abondance retrouvée de l'offre fera grossir la valeur des coupons des titres à court ou moyen terme qu'ils pourront stocker dans un REER ou un CELI.