Quiconque a suivi les conseils prodigués par les analystes de Wall Street en mars dernier n'a recueilli que des pertes, alors que s'est effectué le plus formidable redressement boursier en sept décennies.

Citigroup, Bank of America et plus d'une douzaine d'autres firmes ont suggéré à leurs clients d'acheter les titres de producteurs d'énergie européens et de sociétés pharmaceutiques américaines tout en vendant leurs actions de banques et de détaillants, selon des recommandations relevées par Bloomberg. Ainsi, un investisseur qui aurait consacré 10 000$ à l'achat de titres de sociétés dans les industries les mieux cotées et qui aurait parié sur une baisse du prix des actions des sociétés dans les industries les moins bien cotées depuis le début du redressement boursier, le 9 mars dernier, aurait perdu toutes ses billes. Il devrait même jusqu'à 6000$ pour couvrir ses ventes à découvert, indiquent les données.

Les recommandations n'ont pas marché parce que les sociétés présentant les bénéfices les moins reluisants se sont retrouvées en tête du gain de 46% de l'indice Standard&Poor's 500 depuis sa dégringolade à un creux de 12 ans, il y a 5 mois. Les firmes de courtage qui ont été incapables de prévoir que les titres ayant le plus écopé l'an dernier seraient ceux dont l'appréciation se ferait le plus rapidement ont conseillé aux investisseurs d'opter pour les actions de sociétés pharmaceutiques et de producteurs d'énergie, deux secteurs qui ont accusé un retard de plus de 24 points de pourcentage sur l'indice mondial MSCI.

Trop sur la défensive

«Les analystes sont attachés aux données fondamentales», explique Romain Boscher, qui participe à la gestion d'actifs de 18,5 milliardsUS à titre de responsable de la division des actions de Groupama Asset Management, à Paris. «Nous avons affaire à un redressement technique, ajoute-t-il, à un redressement de sentiment. Les analystes ont été trop sur la défensive. Il y a eu un point d'inflexion et ils ne l'ont pas vu.»

Duncan Smith, porte-parole de Citigroup de New York, a refusé d'émettre des commentaires, de même que Susan McCabe Walley, de Bank of America, firme de Charlotte, en Caroline-du-Nord.

Presque la moitié des firmes couvrant American Express Co. ont conseillé à leurs clients d'abandonner le titre de cette société de cartes de crédit de New York en mars dernier parce qu'elles craignaient que la baisse du crédit des consommateurs n'entraîne une réduction du dividende. Dans un rapport daté du 11 mars dernier, Citigroup recommandait plutôt d'acheter l'action de Visa Inc., de San Francisco. Les investisseurs qui ont suivi ce conseil jusqu'à ce que Citigroup révise à la hausse sa recommandation touchant le titre d'American Express un mois plus tard ont perdu 12%.