Pour familiariser ses lecteurs avec les rudiments de la pondération d'un portefeuille, La Presse a demandé en début d'année à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER, sur une base indicielle. Nous reprenons rendez-vous avec eux après le deuxième trimestre pour mesurer leur performance et leur permettre de redistribuer leurs billes.

La reprise est-elle ou non pour bientôt? L'appréciation de la vigueur des jeunes pousses de croissance que certains experts voient çà et là détermine comment les investisseurs se positionnent sur les marchés pour l'été.

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L'économie entre dans une phase où il est difficile pour l'épargnant avisé d'y voir clair.

Les rendements boursiers très élevés au printemps commandent une certaine correction.

Le S&P/TSX, mesure étalon de la Bourse canadienne, a bondi de tout près de 20% entre le 1er avril et le 30 juin.

Le S&P 500, indice phare de l'activité new-yorkaise, a quant à lui donné un rendement de 7% dans les portefeuilles canadiens. Cela paraît bien moins bon, mais il faut tenir compte de la poussée du huard durant cette période.

Quant aux indices Morgan Stanley Europe-Asie Extrême-Orient et Marchés émergents, ils ont bondi de 16% et 24,5%, même convertis en dollars canadiens. Pareilles performances ne se répètent pas deux mois d'affilée.

En contrepartie, les rendements obligataires (1,25%) et des bons du Trésor (0,68%) ont désavantagé les investisseurs les moins hardis.

Ce n'était pas le cas de nos quatre experts, qui ont su effacer toutes leurs pertes du premier trimestre. Après six mois, ils affichent une plus-value variant de 5,7% à 7,1%.

Il n'est pas acquis, cependant, que l'économie soit solidement engagée sur la voie de la relance, même si le pire de cette brutale récession mondialisée est sans doute passé.

«La situation présente ressemble beaucoup à celle du printemps 2008, où on parlait de décrochage», juge François Bourdon, vice-président répartition de l'actif chez Fiera Capital.

La firme montréalaise a annoncé une refonte de la répartition de l'actif de son portefeuille de référence dernièrement. M. Bourdon allègue que le niveau des cours actuels reflète son scénario de reprise. Il concentre donc ses billes dans les obligations. Il croit que la récente montée des taux s'essoufflera puisque bien des investisseurs choisiront ce véhicule pour protéger leur capital.

Pierre Lapointe, stratège de marchés et analyste quantitatif à la Financière Banque Nationale, n'est pas de cet avis. «Le troisième trimestre va apporter de la valeur, mais moins que le deuxième.»

M. Lapointe a vidé son encaisse et limité à 35% son placement obligataire. Il mise avant tout sur le marché américain, où il voit se multiplier les signes de reprise.

Le secteur canadien des ressources a sous-performé à ses yeux, parce qu'on craint que la demande de produits de base soit en partie financière, un euphémisme pour dire spéculative. Il mise enfin peu sur les actions internationales, en bonne partie à cause des difficultés des banques européennes.

Le directeur du groupe conseil en portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins, Luc Girard, s'en tient à son plan de match du début d'année: la protection nécessaire du capital cet hiver cède progressivement le pas à une ouverture vers les marchés boursiers. De 55% de titres à revenu fixe au premier trimestre, on est rendus à 45%, avec pour cible 40% cet automne. «Il y a beaucoup d'argent qui dort sur les lignes de côté. En octobre, le niveau d'encaisse représentait 47% de la capitalisation boursière. À la mi-juin, il en restait 36%.»

À son avis, les investisseurs vont revenir sur les marchés boursiers après la correction que nous vivons. «Les actions cycliques et financières vont reprendre en premier et ça favorise les actions canadiennes», plaide-t-il. Voilà pourquoi il place 27,5% de ses billes à Toronto.

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, partage aussi cette analyse. Bien qu'il conserve une pondération plus forte sur le marché américain, il augmente légèrement le poids des actions canadiennes dans son portefeuille au détriment de l'encaisse.

«L'économie canadienne intérieure va mieux. Le Canada est bien placé pour profiter de la relance des pays émergents et on sera aux premières loges de la reprise américaine qui va débuter dès le présent trimestre.»

M. Delisle prévient qu'il ne faut pas s'étonner de relents négatifs de la récession, en particulier sur le marché de l'emploi.

Il n'entrevoit pas cependant de rendements mirobolants au cours du présent trimestre car les marchés doivent digérer leur printemps avant de s'envoler à nouveau. «Les données devront confirmer les attentes», résume-t-il.