La Banque mondiale a fourni un joli prétexte à une correction des marchés financiers en confirmant que la récession mondiale allait être plus grave que ce qu'elle croyait, il y a trois mois à peine.

Le 11 juin, l'organisme situé à Washington avait annoncé son intention prochaine de réviser à la baisse son scénario de décroissance de 1,7% de l'économie mondialisée publié en mars. La nouvelle n'avait guère fait broncher les investisseurs encore subjugués par le rallye le plus rapide et le plus fort en sept décennies.

Hier, la Banque a précisé que la contraction mondiale risque d'atteindre 2,9% en 2009 et que la reprise de 2010 sera de 2,0% seulement plutôt que 2,3%, en dépit de la meilleure performance que prévu de la Chine.

Les grands indices boursiers d'Europe et d'Amérique du Nord ont décroché sur-le-champ. À New York, la correction amorcée la semaine dernière s'est accentuée. À Toronto, on a mis fin à deux séances positives d'affilée par une chute de plus de 4% de l'indice-phare S&P/TSX.

«Les rallies de fin de récession ne vont jamais en ligne droite, rappelle Pierre Lapointe, stratège et analyste quantitatif à la Financière Banque Nationale. Il ne faut pas se surprendre de ce qu'on voit.»

«On sentait un essoufflement depuis le mois de mai. Le repli actuel reflète un réel épuisement, renchérit Vincent Delisle, stratège chez Scotia capitaux. La Banque mondiale est seulement un prétexte. Les investisseurs choisissent les nouvelles qui font leur affaire.»

Sur le marché des monnaies, le retour de l'aversion pour le risque a permis au billet vert de s'apprécier contre toutes les autres devises. Dans ce mouvement, le huard a effacé les gains de plusieurs semaines, même si les perspectives à moyen terme demeurent du côté de l'appréciation de notre monnaie.

«J'ai beaucoup de difficulté à croire à la cherté du pétrole à court terme. C'est plutôt un retour à la spéculation», fait remarquer Frédérique Mayrand, premier vice-président, taux d'intérêt et changes, chez BNP-Paribas Canada. Il ajoute que les étrangers ont une perception du Canada meilleure que celle des Canadiens eux-mêmes, ce qui reste favorable au huard.

Les sombres prévisions de la Banque mondiale vont à l'encontre des propos encourageants tenus par d'autres organismes internationaux, dont ceux de l'organisation soeur, le Fonds monétaire international (FMI). Le scénario du FMI table plutôt sur un recul de 1,3% de la croissance cette année, suivi d'une reprise de 2,4% en 2010. Le 19 juin, il a même annoncé son intention de le réviser modestement à la hausse.

Pour sa part, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) prévoyait en mars une contraction de 4,3% des économies de ses 30 pays membres.

Son secrétaire général, Angel Gurria, a déclaré hier à l'agence Bloomberg que ses prévisions révisées à paraître plus tard cette semaine ne «seront pas pires que les précédentes».

Selon la Banque mondiale, les vastes plans de relance des banquiers centraux et des gouvernements auront permis d'éviter l'effondrement du système financier.

Ils n'ont pas encore ranimé l'économie réelle. Voilà pourquoi elle prévoit un nouveau recul de 10% du commerce international de même qu'une nouvelle chute des flux de capitaux internationaux. De 1200 milliards US en 2007, ils sont tombés à 707 milliards US l'an dernier et plongeront à 363 milliards US seulement cette année.

La Banque craint d'ailleurs une aggravation de la pauvreté liée à la chute des investissements dans les pays en développement. Elle s'attend à ce que 53 millions de personnes risquent la pauvreté extrême.

Elle croit en outre que la situation présente devient un terreau fertile pour des soulèvements populaires, en particulier dans les pays d'Europe de l'Est. «Si nous n'adoptons pas des politiques, il y a risque d'une grave crise sociale et humaine à fortes incidences politiques», a prévenu son président, Robert Zoellick, dans une interview au quotidien espagnol El Pais, citée par la BBC.

La Banque exhorte les pays riches à respecter leurs engagements envers les pays en développement pour ne pas aggraver la crise.