La Presse a demandé en début d'année à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Nous avons limité l'exercice à une pondération sur une base indicielle. Nous reprenons rendez-vous avec eux à l'orée du deuxième trimestre pour mesurer leur performance et leur permettre de rajuster leur pondération selon les développements de la conjoncture.

Le rallye boursier du mois de mars n'aura pas suffi à racheter le premier trimestre, mais il suscite beaucoup d'espoir pour le deuxième.

 

De janvier à mars, c'est encore une fois la bonne performance des obligations qui aura permis de limiter les pertes dans un portefeuille.

Nos quatre experts avaient soit surpondéré cette catégorie d'actif, soit l'avaient investie dans des proportions conformes à un portefeuille équilibré. Cela leur a tous permis de limiter considérablement les pertes qu'auront subies les investisseurs enclins à bouder les titres obligataires.

«Le premier trimestre a été difficile pour les actions car les indicateurs économiques américains étaient très mauvais à la fin de 2008, rappelle Vincent Delisle stratège chez Scotia Capitaux. Les titres à revenus fixes ont bénéficié d'une prime de peur.»

Le creux du maître-indice new-yorkais Standard&Poors 500 le 9 mars représente peut-être le point tournant de la longue correction amorcée en octobre 2007.

«On a tellement été négatifs que les gens réagissent maintenant moins négativement quand les nouvelles sont mauvaises», résume Luc Girard, directeur des services aux particuliers chez Valeurs mobilières Desjardins.

En fait, il y en a même de bonnes depuis quelques semaines. «MM. Bernanke et Obama sont parvenus à renverser les attentes, renchérit François Bourdon, vice-président répartition de l'actif chez Fiera Capital. L'aversion au risque est moins grande. Les denrées vont bien faire et ce sera bon pour le marché boursier canadien.»

Le rebond actuel pourrait se poursuivre, mais il manque encore deux conditions pour l'affirmer à coup sûr, croit Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale. «La stabilisation des marchés résidentiel et financier américains n'est pas complétée.»

Le prix des maisons est toujours en baisse et les banques hésitent toujours à étendre leurs activités de prêt.

Et 2010?

Cela dit, les énormes stimuli fiscaux et monétaires annoncés porteront fruit au cours des mois à venir.

C'est plutôt leur épuisement l'an prochain qui pose problème. En 2010, l'économie sera-t-elle suffisamment remise pour fonctionner d'elle-même? Nos experts sont partagés sur cette question cruciale.

Voilà pourquoi le redéploiement de leur portefeuille au profit des actions se fait prudemment pour le trimestre en cours.

M. Delisle ramène de 50 à 40% sa pondération en obligations, diminue sa part en actions américaines, plonge dans les titres des pays émergents et des actions d'Europe et d'Asie (EAEO).

Le risque avec le panier des pays émergents, c'est leur hétérogénéité: la Chine et l'Amérique latine tirent leur épingle du jeu jusqu'ici cette année, mais les titres d'Europe de l'Est (hormis la Russie) piquent du nez.

M. Lapointe aime aussi ces titres parce que les quatre grandes économies émergentes (Brésil, Russie, Inde et Chine (BRIC) vont assez bien. Il aime aussi les titres américains pour le présent trimestre, mais il croit que les financières feront moins bien à moyen terme, compte tenu du resserrement de leur réglementation.

M. Girard note que beaucoup de joueurs en touche reviennent sur le terrain des actions, mais prudemment. C'est aussi ce qu'il fait en réduisant un peu sa part en obligations au profit des actions canadiennes. Des quatre, c'est d'ailleurs celui qui mise le plus sur le marché canadien.

Quant à M. Bourdon, il juge que le présent trimestre a de fortes chances d'être le meilleur de l'année, même s'il accorde une probabilité de 50% que la reprise attendue plus tard dans l'année se confirme et se déroule normalement. Comme M. Lapointe, il déploie maintenant plus de la moitié de ses billes sur les marchés boursiers.