Un marché multimilliardaire seulement qu'au Québec. Des produits plus complexes en fonction des biens et des risques plus spécifiques à couvrir. Une distribution bousculée par l'essor de la vente directe par l'internet. Comment s'y retrouver dans le marché de l'assurance de dommages en habitation et en automobile ?

Un marché en mutation

Presque 10 milliards de dollars par an. C'est la taille du marché de l'assurance de dommages au Québec, mesurée par le montant des primes perçues parmi les consommateurs et les entreprises.

Près de la moitié de ce total concerne des contrats d'assurance de dommages pour des bâtiments et des biens connexes. Et un peu plus du tiers concerne les contrats d'assurance pour des véhicules routiers.

Par ailleurs, les trois quarts du marché québécois de l'assurance de dommages sont accaparés par les 10 plus grands assureurs autorisés à faire des affaires au Québec par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Dans ce contexte, pas étonnant que le consommateur moyen en assurance de dommages pour ses biens se sente un peu intimidé au moment de magasiner le renouvellement ou l'établissement d'un contrat, aux meilleures conditions possible.

«   Les produits d'assurance sont de plus en plus complexes et ils sont de plus en plus souvent vendus à la carte par des initiés qui connaissent les règles du jeu à des consommateurs qui sont des profanes  », a d'ailleurs noté l'organisme Option consommateurs dans son mémoire soumis au début de l'année au gouvernement québécois, lors des débats sur le projet de loi 141 sur les services financiers.

«  Les produits d'assurance ne sont pas des biens de consommation ordinaires. Les consommateurs ne sont pas en mesure de les comparer adéquatement, ce qui les empêche de prendre des décisions éclairées. »

- L'organisme Option consommateurs

Ce projet de loi d'une portée considérable dans l'encadrement des produits et services financiers au Québec a été adopté en juin, après des débats longs et parfois vigoureux parmi les principaux champs de pratique en services financiers.

Dans le secteur des assurances, par exemple, l'essor de la vente directe par les assureurs sur leur site internet, souvent sans intermédiaire qualifié, a suscité beaucoup de débats entre les représentants des consommateurs, les regroupements d'agents d'assurance et d'assureurs ainsi que les organismes de réglementation.

Photo François Roy, archives La Presse

Les trois quarts du marché québécois de l'assurance de dommages sont accaparés par les 10 plus grands assureurs autorisés à faire des affaires au Québec par l'Autorité des marchés financiers.

L'ASSURANCE DE DOMMAGES AU QUÉBEC, EN CHIFFRES

9,6 MILLIARDS 

Volume total des primes en 2017, dont 4,28 milliards liés à l'assurance de biens, 3,61 milliards liés à l'assurance auto et 1 milliard liés à l'assurance responsabilité (particuliers et entreprises)

6,3 MILLIARDS 

Coûts des sinistres assurés en 2017, dont 2,67 milliards liés à l'automobile, 2,62 milliards liés aux biens et 848 millions liés à la responsabilité (particuliers et entreprises)

166 

Nombre d'assureurs autorisés en 2017 (48 d'origine québécoise avec 45 % des parts de marché, 61 d'origine canadienne avec 44 %, 57 d'origine étrangère avec 11 %)

Réglementation modifiée

L'entrée en vigueur du projet de loi 141 est prévue en juin 2019, après l'énoncé de détails réglementaires attendu du gouvernement du Québec.

C'est pourquoi des intervenants comme Option consommateurs hésitent avant de jauger des impacts négatifs ou positifs de cette réforme d'envergure.

«Concernant la vente directe par l'internet, nous aurions souhaité que les assureurs aient désormais l'obligation de faire intervenir un représentant certifié avant la conclusion d'un contrat. Dans le but de réduire le risque d'une mauvaise divulgation d'informations de part et d'autre et, du coup, le risque d'une couverture d'assurance insuffisante ou excédentaire», explique Annik Bélanger-Krams, avocate chez Option consommateurs.

Or, les éléments connus du projet de loi 141 ne vont pas tout à fait dans cette voie qui, de l'avis des assureurs, pourrait nuire à leurs ambitions commerciales et leur développement technologique.

«En effet, en vertu du nouveau cadre réglementaire mis en place par la Loi, les assureurs pourront distribuer certains produits d'assurance sans l'intervention d'un représentant, ce qui consolide les assises de la vente d'assurance en ligne», écrit la firme d'avocats Norton Rose Fulbright, dans une note d'actualité juridique distribuée il y a quelques jours parmi ses clients d'affaires au Québec.

Tout au plus, «un assureur devra respecter certains paramètres», lit-on dans la note.

Une meilleure protection ?

Entre autres, «il devra s'assurer que l'un de ses représentants en assurance certifiés par l'Autorité des marchés financiers (AMF) est disponible afin de pouvoir agir auprès des clients qui en expriment le besoin et l'assureur doit également informer la clientèle de l'opportunité de recourir à un tel service».

Bref, même modifié, un tel encadrement réglementaire de la vente directe d'assurances sera-t-il suffisant pour mieux protéger les consommateurs ?

«Il faudra attendre les énoncés de règlements au cours des prochains mois avant de répondre à cette question», constate Annik Bélanger-Krams, chez Option consommateurs.

Entre-temps, «il faut demeurer très vigilant» lors de son magasinage d'assurances de dommages, notamment en «demandant à parler à un représentant certifié» chez l'assureur afin de bien comprendre et valider les clauses d'un contrat avant de le signer.