Une invalidité à long terme peut avoir un impact important sur la planification de la retraite. Une bonne stratégie peut alors faire toute la différence.

LE PROBLÈME

Il y a quelques années, Maryse a été victime d'un accident de travail important. Elle a longtemps espéré que sa condition s'améliorerait et qu'elle pourrait retourner au boulot. Malheureusement, son médecin lui a annoncé récemment qu'elle serait invalide à vie. Un dur coup pour l'infirmière de 53 ans.

Actuellement, une assurance invalidité personnelle, des prestations de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et une rente de conjoint survivant du Régime de rentes du Québec (RRQ) lui permettent de maintenir son train de vie. « Mais mon assurance invalidité va se terminer à 65 ans, explique-t-elle. Le montant de la RRQ pour mon conjoint décédé devrait également être réduit. Quant à la CNESST, je ne recevrai plus rien à partir de 68 ans. »

Comme elle a travaillé dans le privé la majeure partie de sa carrière, Maryse ne pourra pas réellement compter sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). Elle n'y a accumulé que quelques milliers de dollars. Elle a toutefois de bonnes économies dans son régime enregistré d'épargne retraite (REER) et son compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

Malgré tout, elle s'inquiète. « Je suis stressée quant à la suite des choses, explique-t-elle. Je vais manquer plusieurs années de cotisations. » Sans compter qu'elle a effectué une simulation à partir du site de Retraite Québec. Résultat : il lui manquerait environ 100 000 $ pour vivre jusqu'à 90 ans !

« Je n'ai pas les moyens d'économiser ce montant. Toutes mes dépenses sont justifiées. Ma seule folie est mes vacances. Je ne veux pas les couper. »

- Maryse

L'an dernier, elle a retiré 7000 $ de son REER pour investir dans son CELI. « J'avais entendu à la radio que c'était une bonne chose, explique-t-elle. Compte tenu de l'impôt à payer, je ne suis plus sûre que c'est une bonne idée. »

Par ailleurs, Maryse devra changer de voiture sous peu. Elle pense en acheter une de 30 000 $ environ et prendre le financement du concessionnaire. Elle doit aussi effectuer différentes rénovations sur sa maison qu'elle aimerait conserver le plus longtemps possible. Évaluation des travaux : 40 000 $. Arrivera-t-elle à boucler son budget à la retraite ?

LA SOLUTION

Bonne nouvelle : Maryse a amplement de quoi vivre jusqu'à 90 ans, et même davantage. Si elle le souhaitait, elle pourrait même augmenter ses dépenses de plus de 1000 $ par mois.

« L'outil de simulation qu'elle a utilisé, ce n'est pas une mauvaise chose, cela permet de s'aligner dans la bonne direction, indique Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert, Planification financière pour la Gestion Privée de la Banque Laurentienne. Par contre, la réalité est plus subtile. C'est un peu comme taper ses symptômes dans Google, mieux vaut consulter un professionnel. »

Une bonne stratégie lui fera d'ailleurs économiser gros. « Retirer de l'argent du REER pour investir dans son CELI comme elle l'a fait est une bonne idée, estime M. Comeau. Actuellement, la plupart de ses revenus sont non imposables. Elle pourrait sortir 9000 $ par an jusqu'à 66 ans et en investir une partie dans son CELI. Elle aurait à peine 1000 $ d'impôt à payer sur ce montant. Cela lui permettra de bonifier son plan de retraite de 75 000 $. » Voilà une stratégie que le calculateur n'était pas en mesure d'imaginer !

Il lui recommande aussi de demander au RREGOP l'argent de son fonds de pension plutôt que d'attendre une rente minuscule. Il sera déposé dans un compte de retraite immobilisé (CRI) et pourra ensuite être transféré dans un fonds de revenu viager (FRV).

« C'est un produit un peu capricieux parce qu'il y a des montants minimum et maximum pour les retraits à la retraite, indique M. Comeau. Entre 54 et 64 ans, il est toutefois possible de retirer jusqu'à 22 000 $ par an comme rente temporaire. Elle pourrait cotiser à son CELI avec cet argent plutôt que de faire un retrait du REER. » Fiscalement, cela revient au même. Par contre, il est généralement préférable de se débarrasser des produits les moins flexibles en premier.

À partir de 65 ans, Maryse pourra demander ses prestations du RRQ et sa pension de la Sécurité de la vieillesse. Le manque à gagner sera comblé par ses économies. Le moment venu, un planificateur financier pourra lui faire un plan de décaissement personnalisé pour optimiser sa situation fiscale.

VOITURE ET RÉNOVATIONS

Quant à ses projets plus immédiats, Maryse pourrait effectivement prendre le financement du concessionnaire pour acheter une voiture. Si le taux d'intérêt est intéressant, bien sûr. 

« Avec le surplus de son budget, elle pourra faire son paiement sans problème. »

- Pierre-Raphaël Comeau

Les rénovations, elles, pourraient être payées à partir d'une marge de crédit hypothécaire. « Le remboursement n'est pas nécessairement une priorité, note-t-il. Au pire, le solde pourra être remboursé à la vente de la maison. »

D'ailleurs, le scénario ne nécessite nullement que Maryse vende sa maison, à moins qu'elle vive très longtemps. « À 90 ans, elle aura encore 120 000 $ en placements », estime M. Comeau.

Bref, Maryse peut simplement prendre soin d'elle et profiter de la vie !

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert à la Banque Laurentienne. Photo Olivier Jean, La Presse